Interview de Irina Roubanova, historienne du cinéma

réalisée le 19 mai 2005 par Elena Kvassova-Duffort et Jacques Simon  (Kinoglaz)

Le cinéma soviétique avait une remarquable caractéristique : sa qualité

 

Biographie : Irina Ivanova Roubanova a fait ses études au département de russe de la faculté de philologie de l'Université d'État Lomonossov à Moscou et a passé sa thèse à l'Institut d'histoire de l'art dans la spécialité cinéma. Irina Roubanova est docteur en histoire du cinéma, et membre de l'Institut d'histoire du cinéma, directeur des programmes du festival international des films sur les droits de l'homme "Stalker", secrétaire de l'Union des artistes du cinéma de la ville de Moscou. Elle a écrit différents livres, parmi lesquels : Le cinéma polonais. 1945-1965, Konrad Wolf, Vladimir Vyssotski . Elle a également publié plus de quatre cents articles dans des revues spécialisées et dans des revues sociopolitiques russes ou étrangères de large diffusion. Elle a reçu des décorations nationales de Pologne et de Hongrie.

 

Nous avons lu avec beaucoup d'intérêt votre article, Lettre de Moscou, publié dans la revue Trafic 51 de septembre 2004

Quoi de neuf dans le cinéma depuis que vous avez écrit cet article ? Y-a-t-il des nouvelles orientations, des nouvelles tendances ? Qu'est-ce qui a changé ?

 

J'ai écrit cet article il y a plus d'un an, il y a eu du retard dans la publication.

Il me semblerait plus simple de poser ainsi la question : est-ce que quelque chose a changé dans la situation du cinéma russe au cours de cette dernière année. Je répondrais alors : oui et non. Ce qui a changé c'est qu'on a commencé à aller voir des films russes.

 

Vous voulez dire en Russie ?

 

Oui, en Russie on a commencé à aller voir des films russes. Ce sont des films d'une facture tout à fait  particulière, d'un type particulier, et il n'y en a pas tellement, mais ils font gagner de l'argent plus que les films américains. Ce qui ne s'était jamais vu au cours des dix dernières années.

Maintenant, parlons de ce qui concerne le genre de cinéma.

Aujourd'hui souvent on pose la question, plus exactement on affirme avec fermeté : le cinéma russe renaît. A chaque fois j'émets des doutes. Non pas pour exprimer que je ne suis pas d'accord, bien qu'effectivement je ne sois pas d'accord. Mais l'important n'est pas là, il est dans de ce qu'on entend par "cinéma russe". Le cinéma soviétique ? En ce qui concerne l'idéologie, elle ne renaît pas et c'est tant mieux. Mais le cinéma soviétique avait une caractéristique remarquable, sa qualité et son professionnalisme. Par exemple le travail des acteurs devient chez nous de plus en plus médiocre. Sur ce plan, malheureusement il n'y a pas renaissance.

Pourquoi le cinéma russe contemporain n'est pas à la hauteur de la concurrence ni dans les festivals ni, a fortiori, sur le plan commercial ? Parce qu'il est de beaucoup moins bonne qualité que le cinéma soviétique. Bien sûr il s'est quelque peu rénové, sont apparus un nouveau type de montage, des possibilités techniques nouvelles, des équipes de réalisation de clips, mais néanmoins en général, les résultats ne sont pas aussi satisfaisants qu'à l'époque soviétique. Je me souviens de ce que me disait Ilia Averbakh au sujet du film Le Grand citoyen - c'est un film de Ermler, c'est un film effrayant un film de cannibales et d'ogres. Mais m'a-t-il dit, écoute, c'est un film cauchemardesque par le sens, mais que les acteurs jouent bien, qu'ils jouent bien! Avant un tournage je regarde toujours ce film.

Ainsi, ce qui aurait pu renaître, pour l'instant n'a pas revu le jour. Il me semble que le malheur de notre cinéma vient du fait qu'on y voit beaucoup de jeunes, de débutants. Même la génération d'âge moyen est quelque peu écartée. Ou en tout cas elle se sent écartée

A Moscou nous avons deux établissements d'enseignement, le VGIK et les Cours Supérieurs de mise en scène. La situation est un peu meilleure aux Cours supérieurs. Les gens qui enseignent ou bien ne savent pas faire de films ou bien en font de médiocres. Voilà le problème. Soit qu'avec l'âge ils se sentent dépassés et n'ont pu franchir la période de transition du cinéma soviétique au cinéma contemporain. Soit qu'ils n'ont tout simplement jamais su faire de films.

 

Que dire alors  du premier film de Zvianguintsev, Le Retour ?

 

Oui, quelqu'un qui n'a jamais étudié la mise en scène. Il est acteur de formation. C'est au musée du cinéma qu'il s'est formé. Il y regardait toutes les projections et continue encore aujourd'hui. Il a un peu travaillé pour la télévision mais n'a même pas réalisé de films, il réalisait des émissions. Il n'a étudié nulle part. Il y a encore un autre premier film que j'estime très bon, c'est Koktebel. Encore deux personnes  qui n'ont pas étudié la mise en scène. Ils sont encore plus jeunes que Zviaguintsev.

Je voudrais bien encore prolonger un peu le thème de la renaissance ou non du cinéma russe. Le cinéma soviétique était idéologique et propagandiste. Complètement soviétique. Mais il y a eu aussi un cinéma des années 60 et des années 70 dans lequel l'idéologie n'avait aucun caractère politique, et d'ailleurs était-ce de l'idéologie ? Khoutsiev, Tarkovski, le jeune Kontchalovski, Ilia Averbakh, Panfilov. Ce cinéma était soviétique par sa date de réalisation, mais il ne ressemblait pas du tout au cinéma des années trente. Alov et Naoumov ont debuté différemment, ils n’étaient pas « soviétiques ». C'était un cinéma d'auteur, un cinéma qui, comme je l'ai écrit dans l'article, était issu de  la réalité. Soit qu'il la captait, comme le faisait Khoutsiev. Soit qu'il essayait de la comprendre dans les catégories de la morale et de l'existentiel. C'est à dire que ce cinéma était essentiellement l'expression d'une individualité, chaque film portait la marque de son auteur. Bien sûr tous les films n'étaient pas de cette qualité, il y avait aussi plein de bric à broc. Mais le monde connaissait véritablement ce cinéma, il connaissait ses réalisateurs et ses films. Et il avait pour lui une certaine estime. Eh bien c'est un cinéma qui pratiquement ne renaît pas. C'est peut-être la pression commerciale qui l'empêche de s'identifier... Il y a bien entendu quelques mastodontes solitaires tels que Sokourov, qui sont certes nés de ce cinéma et Guerman... Au fait son fils tend à se rattacher à ce genre de cinéma. Mais ils ne font pas le beau temps.

Et vous parlez de tendance. Moi je ne sais pas. De quelle tendance est Sokourov ? C'est le cinéma de Sokourov. C'est le cinéma des solitaires, des insensés. Les films de Sokourov sortent en Russie en une seule copie. Nous ne pouvons même pas les montrer aux étudiants, sauf en DVD. Or l'image chez lui est si importante, si raffinée. C'est lui-même qui fut l'opérateur de son dernier film. Et on ne peut pas le montrer. Parce qu'il n'y a qu'une copie. En Amérique L'Arche russe a fait cinq millions de dollars de bénéfice et en Russie on a eu que trois copies. C'est à dire qu'on ne l'a montré qu'à Moscou, Saint-Pétersbourg et je ne sais où. Peut-être à Ekaterinbourg. Voilà. Certes il y a encore une personnalité telle que Mikhalkov. Qui gagne de l'argent et fait son cinéma. A mon avis de moins en moins bon. Mais cependant on le regarde. Et en fait pour les masses il incarne le cinéma. Tout le monde connaît Mikhalkov. Tandis que les créateurs de Night watch, Combat avec une ombre, personne ne les connaît. C'est un cinéma anonyme, folklorique, personne ne les connaît.

 

Et les films inspirés par les romans d'Akounine: Le Conseiller d'État, Le Gambit Turc

 

C'est une autre histoire. Ces films sont nés de l'invraisemblable popularité des romans. Je suis même étonnée qu'on ait tant attendu avant de tirer des films des romans d'Akounine. Car il donne de bons sujets pour le cinéma. Et ce n'est pas difficile d'en faire des films, vraiment pas difficile.

Dans notre cinéma contemporain, il n'y a pas d'auto-réflexion, il ne s'évalue nullement lui-même. C'est pourquoi la situation est comme suspendue, chaotique, comme un mouvement brownien. On ne peut pas dire que l'heure de la mort clinique est arrivée, évidemment non. Mais, d'un autre côté si on cherche une tendance, soit on va dans une direction, soit dans une autre, soit vers une sorte de fantastique, vers une sorte de mystique soit vers le genre détective avec un héros fort. Mais ce qu'on n’arrive absolument pas à créer, c'est précisément le héros fort.

 

Quand vous écrivez qu'aujourd'hui la majorité des réalisateurs craignent la réalité, que voulez-vous dire exactement ?

 

Ils la craignent. Il leur semble qu'elle est non populaire, non attractive, qu'elle ne passe pas l'écran. Mais ce n'est pas vrai. La vérité est que cette réalité, ils ne savent pas la développer. Je considère que notre réalité, par exemple, est un matériau riche pour le théâtre et le cinéma de l'absurde. Un véritable absurde conceptuel, ni bêtise ni grimacerie, mais vraiment l'absurde. On assiste à une certaine violence contre le bon sens et la logique. Avec des raisons et des origines diverses. Et le cinéma n'en traite absolument pas. Il reste vieilli et cela me  désole.

Ce n'est pas seulement qu'il renaît ou ne renaît pas, il éprouve une sorte de peur. Et je ne vois aucune folle invention ni dans la forme ni dans le fond. Rien. Pendant trois ans on s'est interrogé sur l'intérêt pour Sokourov de filmer en une seule séquence [Il s'agit du film L'Arche russe - Kinoglaz]. On avait rien d'autre à discuter. Et alors? C'est ainsi qu'il voulait filmer, exprimer l'idée que le passé et le présent sont unis et dans le temps et dans la matière même. Il n'y a pas eu de montage. Rien de génial mais c'était son idée.

Et bien entendu je regrette qu'il y ait chez nous une telle différence entre le cinéma documentaire et le cinéma de fiction. Comme s'il s'agissait de domaines complètement différents. A mon avis le cinéma documentaire est beaucoup plus intéressant.

 

 Pas seulement en Russie

 

 Je ne sais pas si vous avez eu la possibilité se voir le film Vie paisible. Il a été réalisé par Kostomarov, le chef opérateur du film Promenade d'Outchitel. Vous savez, c'est un documentaire où la réflexion est tellement concentrée, le choix des personnages tellement judicieux. Un Ivan Ivanytch n'est pas seulement une personne définie mais il incarne en soi l'atmosphère de toute une époque, sa langue et ses passions. Et tout cela en fait effectivement une oeuvre d'art  par ce que son contenu a d'universel. C'est un film court, en tout vingt-huit minutes, mais un film concentré qui dégage une grande énergie. Il a reçu l'an dernier le Grand prix du festival du film documentaire d'Ekaterinbourg, non sans scandale, car le thème touchait à la Tchétchènie et il y a eu des mécontents parmi les dirigeants. Mais ce n'est pas là l'important. Bien que ce soit important. C'est encore un cinéma de qualité qu'on peut montrer partout.

Et je ne parle pas du fait que les réalisateurs de films documentaires découvrent des personnages et des images. Et il ne s'agit pas d'un film de la capitale, on n'y parle pas de la vie à Moscou ou à Saint-Pétersbourg mais de la vie en Russie. Dans les villages et petites villes de province. Un tout autre monde.

 

Je voudrais bien que nous revenions à la question de l'analyse que le cinéma russe fait sur soi-même et dont vous avez parlé à propos du film de Sokourov. Quelle est aujourd'hui la situation de l'histoire du cinéma et de la critique cinématographique ?

 

Ma fille me demandait justement aujourd'hui s'il existe des personnes, des critiques dont les opinions sont écoutées par les réalisateurs et les acteurs. Autrefois dans les années soixante c'était le cas. On lisait alors et connaissait et Solovieva et Tourovskaïa. Il me semble qu'il y a encore aujourd'hui quelques personnes analogues qui connaissent bien le cinéma mondial. Par exemple Andreï Plakhov. Il va aux festivals; il comprend vraiment bien le cinéma et écrit constamment. Dans la mesure où il travaille pour un journal réputé, il a bien entendu une certaine autorité. Mais cependant il écrit surtout sur le cinéma international, il aime beaucoup les cinématographies rares. Mais c'est une tendance générale des festivals de cinéma, chercher quelque chose qui n'existe pas.

Pour ce qui concerne les personnes nouvelles la situation n'est pas brillante. En tout cas, telle que je la comprends. Je peux me tromper. Il y a des gens talentueux jeunes ou d'âge moyen qui s'intéressent à la théorie du cinéma. Il y a vraiment des historiens intéressants également d'âge moyen mais aussi des jeunes. Mais pour ce qui concerne la base même de l'analyse cinématographique - les critiques et leurs auteurs, c'est très irritant. Et pour moi l'explication c'est que les auteurs de critiques ne sont pas des anciens du VGIK, gens qui ont vu des centaines de films, ce sont des diplômés des facultés de journalisme. Aplomb, ignorance, aucune individualité, tous écrivent de la même façon. En conséquence la réaction des gens du cinéma c'est de l'irritation, quand ce n'est pas de la haine.

 

Dans quelle situation se trouvent actuellement les archives cinématographiques ?

 

La situation au Gosfilmofond est excellente. Il est sur la liste des biens nationaux. Il s'ensuit qu'il reçoit une aide financière directe et l'autorisation d'avoir une activité commerciale. Pour chaque mètre de film, y compris pour les films d'archives, qu'il prête, il prend de l'argent. Aujourd'hui c'est devenu épouvantable. Ils affirment que le service des impôts leur interdit de prêter gratuitement des films à qui que ce soit. Autrefois ils les prêtaient gratuitement aux organismes de formation au VGIK et aux Cours supérieurs pour des projections non commerciales. Par exemple je travaille avec le centre culturel de Pologne et j'y dirige un ciné-club. Et nous leur empruntions souvent de vieux films polonais. Maintenant nous ne pouvons plus, c'est terriblement cher. Maintenant tout le monde regarde les films sur DVD. Je suis en relation très étroite avec le Gosfilmofond. Ils insistent sur le fait que pour chaque film nouveau la licence de distribution n'est pas accordée tant qu'une copie du film n'a pas été remise au Gosfilmofond. Et cela concerne aussi bien les films russes que les films achetés à l’étranger. Ainsi enrichissent-ils leurs fonds constamment.

 

Et Krasnogork ?

 

A mon avis Krasnogorsk n'a jamais beaucoup prêté de films. Mais là-bas tout dépend du but du travail que vous voulez faire. Si vous faîtes un film, alors il faut payer, si vous effectuez un travail de recherche scientifique alors, vous ne payez pas. En fait, autant que je sache, la somme à verser est modeste.

 

Et en ce qui concerne les archives des pays de l'ancienne Union soviétique

 

C'est une autre histoire. Aussitôt l'effondrement de l'URSS, les républiques ont exigé qu'on leur redonne leurs films. Les matrices mêmes. Car des copies on leur en a donné... mais ils prétendaient détenir les droits d'exploitation des copies de leurs films. Le Gosfilmofond était contre. Et je soutiens sa position. Vous savez pourquoi ?

Pendant le litige, qui concernait en particulier la Géorgie et, aussi étrange que cela puisse paraître, le Kazakhstan, il y avait cette guerre, les films kazakhs qui ont été stockés dans des caves ont été inondés et ont tous péri. Et en Géorgie les films ont été détruits par un incendie. Et si le Gosfilmofond n'avait pas conservé les matrices, les films auraient été perdus à jamais. En fait aucun studio ne peut fournir une technologie de conservation du niveau de celle du Gosfilmofond. C'est là leur préoccupation constante, ils restaurent films et matériaux originaux en permanence.

Et en plus je considère que le fait même de collecter les films et le travail de conservation donnent le droit de propriété. Les collections de l'Hermitage, ce ne sont pas seulement des ensembles de tableaux mais cela forme un tout qui constitue un patrimoine. C'est la même chose ici.

Mais ce qui court effectivement un grand danger c'est le musée du cinéma avec son déménagement. C'est affreux.

 

Qu'est-ce qu'on lui propose comme lieu ? Il était question d'un déménagement à Mosfilm et aussi au studio Gorki

 

Pour ce qui est du studio Gorki, grâce à Dieu, c'est abandonné. C'était du délire, le studio est en ruines, comment y déménager? Pour ce qui est de Mosfilm il était question d'y trouver un endroit provisoire pour les archives. Là il n'y aurait pas de salles d'exposition ni de projection. En outre on n'entre pas là-bas sans laissez-passer. Sans parler du fait que Mosfilm est très loin, personne n'ira jusque là-bas.

 

Cela veut dire que pour l'instant le Musée se trouve dans le bâtiment Kinocentre ? et ne déménage pas ?

 

Pour l'instant il ne va nulle part car il travaille avec le Festival de Moscou et fait les projections dans le cadre des programmes du Festival. Et la direction du festival, c'est à dire Mikhalkov qui en est le président, a intérêt à ce que cette situation se prolonge. Donc jusqu'à l'été on ne les touchera pas. Ensuite... Les jeunes manifestent et pour l'instant on les soutient.

C'est une histoire horrible. Car le véritable culte du cinéma, et le culte du véritable cinéma, c'est le musée qui l'exprime. Au moyen de ses projections, de ses conférences, de ses expositions. Il y a toujours au musée énormément de monde. Surtout des jeunes. C'est très important, car c'est l'avenir!

 

Et la personne même de Naum Kleiman est également très importante

 

Bien entendu. Mais on l’a épuisé. Il a déjà tellement souffert de tout cela. On le voit souriant mais quand on lui demande comment il va, il répond "mal..."

[KINOGLAZ a publié une lettre ouverte adressée par la Guilde des historiens et critiques de cinéma au président Poutine, au Premier ministre Fradkov et au Maire de Moscou Loujkov]

 

Nous voudrions bien vous interroger au sujet des festivals de cinéma en Russie. Il y en a beaucoup. Pourriez-vous nous aider à dresser un bilan de l'organisation d'ensemble de ces festivals, de leur fonctionnement et de leurs objectifs.

 

Il n'y a pas d'organisation d'ensemble. Cette multitude de festivals est apparue en période de grande activité. Tout le monde voulait faire quelque chose. Quelqu'un créait un festival alors quelqu'un d'autre en créait aussi un autre. Quelqu'un trouvait de l'argent à la région de Krasnodar, quelqu'un d'autre en trouvait à celle de Saint-Pétersbourg. Et, en fait, il n'y avait rien de mal à cela. Et même encore aujourd'hui je pense que c'est bien. Parce que les films russes sont encore rares dans les salles. Les exploitants ne louent pas volontiers de films russes à l'exception de quelques-uns uns dont nous avons déjà parlé. C'est à dire de trois à cinq films

Dans les festivals on peut voir des films russes. Et en fait les gens sont très étonnés de constater qu'existe un cinéma russe, qu'il y a de nouveaux visages, et que les anciens font encore des films. C'est un mode de diffusion du cinéma, qui n'est pas commercial mais qui est utile.

Mais c'est dommage qu'il n'y ait pas un festival de cinéma national qui puisse montrer tout ce qui a été produit de remarquable en une année, les différentes orientations et tendances. Kinotavr était le festival qui jouait le mieux ce rôle. Il y a deux ans il était d'ailleurs question de lui donner un statut national, mais cela n'a pas abouti.

 

Kinotavr n'est pas soutenu par l'Etat ?

 

Si, il reçoit un soutien de l'Etat, mais c'est du niveau du soutien accordé à Anapa, un petit peu plus. Donc au même niveau que les autres. Cela ne couvre même pas un cinquième des dépenses. Mais maintenant il y a beaucoup de gens riches, beaucoup d'organisations riches, beaucoup de gens qui prennent des initiatives... Ce qui ne va pas, c'est autre chose. Pourquoi, par exemple, moi j'ai quitté [Kinotavr - NDLR]. La bataille pour les films est devenue tout simplement insupportable. Par exemple, ils ont décidé que si le film est présenté au festival de Moscou, on ne peut pas le montrer à Sotchi. Bien que cela ne figure sur aucun règlement. Aux festivals nationaux des gens viennent choisir des films pour les festivals internationaux. Un festival national n'est pas un obstacle empêchant de montrer un film à un festival international. Et chez nous la situation est devenue telle, que c'est une bataille non pour la vie mais pour la mort entre Moscou et Sotchi.

En outre dans la mesure où l'Etat met quelque argent dans la production de certains films, alors il (c'est à dire le Ministère de la culture) veut décider quel film ira à Sotchi et quel film ira à Vyborg.

Un festival national est une vitrine pour le cinéma national. Et cela doit être ainsi, comme dans un magasin on montre ce qui est le plus remarquable. Mais chez nous tout se disperse. Ici on montre une partie et là une autre. Il est devenu difficile de donner une image de l'année. Et tant qu'on n'aura pas d'une certaine façon compris cela...

 

Est-ce que des festivals tels que celui de Khanty-Mansiïsk ont leur spécificité ?

 

C'est en  effet le cas pour Khanty-Mansiïsk. On n'y présente que des premiers films. Et c'est un festival international. Et, en fait, un festival qui n'est pas mal du tout. Il éprouve aussi des difficultés car il était financé par Youkos et cette année ils ont reçu peu d'argent, mais le festival a quand même eu lieu.

 

Qu'est-ce qui a changé avec l'apparition de nouveaux propriétaires du festival de Kinotavr?

 

Dans le Conseil d'Administration du festival sont entrées de nouvelles personnalités telles Piotr Aven [President de la société "Alfa-Bank"], Oleg Deripaska [Directeur général de la société "Aluminium russe"], Konstantin Ernst [Directeur général de la société "Première chaîne"] Peut être que cela va faire progresser les relations avec le festival de Moscou ? Parce que c'est difficile de se mettre à dos notamment Konstantin Ernst...

De nouvelles personnalités sont arrivées : Aleksandr Podnianski [membre du Conseil d'administration d festival Kinotavr, président du Holding "CTC Media"], Igor Tolstounov [Producteur général du festival].

La société de Tolstounov, PROFIT, produit des films. Cette année il n'y a aucun de ses films au festival, car elle n'en a produit aucun. Mais de façon générale ce n'est pas bien de présenter dans un festival ses propres films [selon la presse le studio CTC pendant quelques temps ne participera pas à la compétition "Kinotavr", pour assurer l'objectivité de cette compétition - KINOGLAZ]

Rodianski me fait une très bonne impression. C'est un ancien excellent réalisateur de documentaires de Kiev. Il est devenu producteur et s'est mis à produire des films non commerciaux assez intéressants. Puis il a acquis une chaîne TV ukrainienne qui est actuellement en plein essor. Il possède une maison d'édition. Et maintenant tout le monde le demande. On l'a invité à Moscou, on lui a proposé de diriger une chaîne de télévision, une chaîne de variétés pour jeunes. En même temps il est devenu l'un des producteurs de Sokourov. Et cela lui plaît beaucoup. Tout le monde lui demande, comment il est possible que sa chaîne travaille avec Sokourov   Et lui  - pourquoi ne le ferait-il pas ? Il fait comme si tout cela était naturel. Il dit vouloir promouvoir toute sorte de cinéma, y compris le cinéma difficile, y compris le cinéma d'art.

Le festival de Vyborg est devenu très intéressant. Il me semble qu'ils ne font qu'une erreur. Ils insistent lourdement sur leur volonté de ne montrer que des films non encore montrés aux autres festivals. Mais dans la mesure où le festival a lieu en août, il ne reste plus rien. Il ne reste que de rares films terminés après le festival de Moscou. Et s'ils programmaient tout simplement les nouveaux films, tels quels, ils auraient du succès. Ils organisent  des tables rondes, des discussions et c'est très bien et ils ont beaucoup de spectateurs. Parce que dans cette ville, en général il n'y a rien, ni théâtre ni même, à mon avis, de club d'aucune sorte

 

A Vyborg on ne montre que des films russes ?

 

Oui, seulement des films russes. En fait ce n'est pas par hasard qu'ils ont choisi de s'appeler "Fenêtre sur l'Europe" Ils ont proposé que ce festival soit celui des pays de la Mer baltique, des pays du Nord. Le résultat est qu'au festival il y avait un pays invité, et on en présentait un ou deux films. Une fois, j'y étais, c'était le cinéma suédois qui était invité, une autre fois le cinéma finlandais. Et maintenant il n'y a plus rien de tel. Plus de films finlandais ni suédois, ni polonais, rien. Seulement des films russes. Mais le festival est apprécié. Les journalistes l'apprécient et ont de bons rapports avec ce festival.

On parle moins d’autres festivals. C'est le cas du festival de Anapa. J'ai été une fois membre du jury et je ne l'ai absolument pas regretté. C'est le festival des anciennes républiques soviétiques. On y montre des films qu'on ne voit nulle part ailleurs, tous ses films sont rassemblés dans ce festival Et on les regarde avec étonnement. Pour ce qui est de l'Asie centrale, il est bien connu qu'on y fait des films intéressants. Mais on a l'impression que certains cinémas, tels que par exemple le cinéma azerbaïdjanais, ont disparu. Et bien en fait pas du tout. Ils font des films. Mais en Ukraine pas de cinéma, c'est très étonnant. Un film tous les deux ans, sans intérêt du genre de Mazepa, une folie. Ils ont une école de cinéma, mais pas de cinéma. Où a-t-il disparu ? Ils ont un bon festival international Molodost. Un festival dynamique qui attire le public, mais il n'y a pas de films ukrainiens. Il n'y a pas non plus de films moldaves, aucun. Les anciens réalisateurs vivent à Moscou mais ne font rien car il leur est difficile de recevoir de l'argent du Ministère de la culture de Russie. Le cinéma géorgien a émigré, à commencer par Iosseliani. Le cinéma kazakh existe mais il est mi-kazakh, mi-français. Et ainsi il reste mondialement connu dans la mesure où les Français en font la promotion. Il y a aussi le cinéma ouzbèk avec Youssoup Razykov qui tourne des films chaque année. Le cinéma tadjik avec Bakhtiar Khoudoïnazarov qui vit tantôt à Moscou, tantôt à Berlin et tourne avec de l'argent russe...

 

Vous avez travaillé pendant longtemps à Kinotavr. Pour ce qui concerne le nouveau festival que Mark Roudistein envisage de créer à Saint-Pétersbourg "l'Ange d'or" [(18-31 juillet 2006 - Kinoglaz)]  http://kinotavr.ru/group/mark/11/ vous allez y travailler ?

 

Je sais qu'il est obsédé par l'idée d'un festival "en plein air". Et dans la mesure où à Sotchi ce type de projections nocturnes est très apprécié il a décidé de le transporter à Saint-Pétersbourg.

Il m'a demandé si je voulais y travailler. Je dis que je ne sais pas pour l'instant à quoi ressemblera ce festival. Pour l'instant il s'occupe encore du festival Les visages de l'amour qui cette année va avoir lieu deux fois. En août à Sotchi pour la deuxième fois ["Visages de l'amour - 2005 27/08-04/09 Kinoglaz] Et il y a le festival pour les enfants [Festival international des arts pour les enfants à Sotchi 1/11-10/11 2005 Kinoglaz]. Je ne sais pas s'il aura assez de force pour tout cela.

 

 


Интервью с киноведом Ириной РУБАНОВОЙ

записанное 19 мая 2005 года в Париже

Жаком Симоном и Еленой Квасовой-Дюффорт (Киноглаз)

В советском кино было замечательное свойство : его добротность

 

Биография : Рубанова Ирина Ивановна.

Окончила русское отделение филологического факультета МГУ им. Ломоносова и аспирантуру Института истории искусств (Государственный институт искусствознания) по специальности «киноведение». Кандидат искусствоведения.
Ведущий научный сотрудник ГИИ. Директор программ Международного фестиваля фильмов о правах человека «Сталкер». Секретарь Союза кинематографистов г. Москвы.
Автор книг: «Польское кино. 1945-1965», «Конрад Вольф», «Владимир Высоцкий» и др., а также более 400 статей в научных изданиях и широкой общественно-политической прессе в стране и за рубежом. Отмечена государственными наградами Польши и Венгрии.

 

Мы с большим интересом прочли  Вашу статью Письмо из Москвы, опубликованную в журнале Trafic.

Что нового произошло в русском кино, с тех пор, как вы её написали? Есть ли новые направления, новые тенденции? Что изменилось?

 

Эту статью я написала больше года назад, её издание немного задержалось.

Для меня проще наверное так вопрос поставить, изменилось ли за этот год что-то в ситуации русского кино. Я бы так ответила, и да и нет. Изменилось то, что русские фильмы, в общем, стали смотреть.

 

В России?

 

Да, в России стали смотреть русские фильмы. Это фильмы совершенно определённой формулы, определённого типа, их не так много, но они собирают денег больше, чем американские фильмы. Что было невиданно для последних десятилетий.

 

Теперь о том, что касается самого типа кинематографа.

Сейчас очень часто задают вопрос, даже не задают вопрос, утверждают, есть такая формула устойчивая : русское кино возрождается. Я каждый раз подвергаю это сомнению. Не в том смысле, что я с этим не согласна, хотя вообще я  несогласна. Но даже не это главное, а главное, что под этим понимать, какое русское кино. Советское кино? Что касается идеологии, то она не возрождается и слава Богу. Но в советском кино было замечательное свойство, профессиональная его добротность, его профессиональное качество.  Например, работа с актёрами, то, что у нас становится всё хуже и хуже. Вот это не возрождается, к сожалению.

Почему современное российское кино неконкурентноспособно ни на фестивалях, ни, тем более, в коммерческом распространении?  Потому что оно сделано гораздо хуже, чем делались советские фильмы. Конечно появилось нечто новое, появился новый монтаж, технические возможности, клиповая съёмка и, тем не менее, в целом, это не восхищает своей работой, как было в советском кино. Я помню, как Илья Авербах мне говорил про фильм Великий гражданин - был такой фильм Эрмлера, жуткий, каннибальский, людоедский фильм, страшный. Но он мне говорил, слушай, такой кошмарный по смыслу фильм, но как играют, как играют, я всё время смотрю перед съёмками это кино.

Поэтому, то что можно было бы возродить – пока что не возродилось. Мне кажется, что беда нашего кино сейчас состоит в том, что очень много дебютов, молодых людей. Даже уже среднее поколение, так, немножко, вытесняется. Потеснено во всяком случае.

У нас в Москве два учебных заведения, ВГИК и Высшие режиссерские курсы. Немножко лучше обстоит дело на Высших режиссёрских курсах. Учат люди, которые сами не умеют делать фильмы или делают очень посредственно. Вот в чём дело. Либо они уже по возрасту как-то сошли и не пережили вот этот переход от советского кино в новый период. Либо просто никогда и не умели…

 

- А как же фильм-дебют Возвращение Звягинцева?

 

Да. Человека, который нигде не учился. Он актёр по образованию. И учился он в Музее кино. Он сидел там, и сейчас сидит, сидит на всех просмотрах. Немножко поработал на телевидении, но даже не фильмы делал, а передачи телевизионные. Нигде не учился. И есть еще второй дебют, который я тоже считаю удачным, это Коктебель. Тоже два человека, которые не учились режиссуре, молодые. Еще моложе даже чем Звягинцев.

Я хотела бы еще немного продолжить тему, возрождается оно или не возрождается. Было идеологическое, пропагандистское  советское кино. Советское-советское. Но было же и кино 60-х годов, 70-х годов, в которых идеология совершенно не носила политического характера, да и можно ли это назвать идеологией. Хуциев, Тарковский, молодой Кончаловский, Илья Авербах, Панфилов. Кино было советское по времени, но оно совершенно не походило на кино 30-х годов. По-другому начинали Алов и Наумов, они тоже были не советские. Это было авторское кино, это было кино, которое, как я писала в статье, вырастало из действительности. Либо оно её фиксировало, как Хуциев. Либо оно пыталось её осознать в категориях морали, экзистенции. То есть, по сути, это было высказывание индивидуальное, каждый фильм имел лицо своего автора. Не все конечно, барахла было тоже полно. И, собственно, мир-то знал это кино, этих режиссёров, эти фильмы. И довольно хорошо к нему относился.

Так вот, это кино не возрождается почти никак. То ли коммерческий пресс мешает ему вот осознать себя… Есть конечно одинокие мастодонты как Сокуров, который, конечно, родом из того кино, Герман…   Его сын кстати, тяготеет к этому кинематографу. Но они не делают погоды.

Вот вы говорите тенденция. А я не знаю. Какая тенденция у Сокурова? Кино Сокурова.  Это кино одиночек, безумцев. Фильм Сокурова выходит в России в одной копии. Мы его даже студентам не можем показать, кроме как на DVD. А у него изображение так много значит, оно такое изысканное. Последнюю картину он тоже сам снимал, как оператор. А мы не можем показать. Поскольку есть всего одна копия. Русский ковчег в Америке собрал пять миллионов долларов чистой прибыли, а в России он шел в трёх копиях. Это значит, что он шёл в Москве, в Санкт-Петербурге и я не знаю, где еще. В Екатеринбурге может быть. Всё.

Конечно, есть еще такая фигура, как Никита Михалков. Который и деньги собирает, и делает свое кино. На мой взгляд все хуже и хуже. Но, тем не менее, вот его смотрят. И вообще, для массы он - олицетворение кино. Михалкова все знают. А создателей Ночного дозора, Боя с тенью никто не знает. Это анонимное такое кино, фольклорное, никто их не знает.

 

- А фильмы по Акунину : Статский советник, Турецкий гамбит ?

 

Тут другая история. Эти фильмы поднялись на волне невероятной популярности книг. Я даже удивляюсь, почему так поздно стали снимать по Акунину. Потому что он дает хороший материал для такого рода кино. И не так трудно из него сделать фильм, совсем не  трудно.

В нашем современном кино нет саморефлексии, оно себя никак не оценивает. Поэтому состояние такое взвешенное, хаотическое, такое броуновское движение. Нельзя сказать, что наступила клиническая смерть, конечно нет. Но, с другой стороны,  если про тенденцию говорить, то туда, то сюда, то, значит, в эту фантастику, мистику какую-то, то в детектив с сильным героем. А чего не получается, решительно, это именно сильного героя…

 

- Когда вы пишете о том, что большинство режиссеров сегодня боится реальности, что вы хотите этим сказать ?

 

Боится. Она им кажется такой непопулярной, незрительской, непривлекательной. Это неправда. Правда состоит в том, что эту реальность они не могут развить. Я считаю, что наша реальность – это, например, богатейший материал для театра и кино абсурда. Причем такого интеллектуального, настоящего абсурда, ни глупости, ни кривляния, а именно абсурда. Происходит некое насилие над здравым смыслом, над логикой. Разных причин и разных происхождений. И кино не доползло абсолютно. Оно все время какое-то старое, и меня это раздражает.

Не то что возрождается или не возрождается, оно чего-то боится. Каких-то таких безумств я не вижу. Ни по материалу тематическому, ни по языку. Ничего. Три года спорили, нужно было Сокурову снимать одним кадром. Больше не о чем было спорить. Ну и что? Вот как хотел снять так, высказав мысль, что прошлое, настоящее едины и по времени и по самой материи, так и сделал. Не сделал ни одной монтажной съемки. Не Бог весть что, но это его был замысел.

И конечно, я очень жалею, что у нас полный разбор документального кино и игрового. Как будто это совершенно разные виды деятельности. Документальное кино, на мой взгляд, гораздо интереснее.

 

- Не только в России

 

Я не знаю, удалось ли вам посмотреть картину Мирная жизнь. В прошлом году была снята оператором, который снимал фильм Учителя Прогулка, Костомаровым. Понимаете, это такой документализм, который настолько плотно концентрирует смысл, настолько точно выбирает лица, не просто один единственный Иван Иваныч, а воплощает в себе настроение, время, язык, пристрастия. И все это становится действительно художественным производением, поскольку содержит и обобщение. Короткий фильм, двадцать восемь минут, а он плотен, энергичен ! Он в прошлом году получил на документальном фестивале в Екатеринбурге Гран при, не без скандала, поскольку там чеченская тема, и были люди, начальство, которые были этим недовольны. Но это не важно. Хотя и важно. Но это еще и качественное кино, которое можно везде показывать.

Я уж не говорю о том, что документалисты находят лица, темы. И это все не столичное кино, это все не про жизнь Москвы, Санкт-Петербурга, а это жизнь в России. Деревни, малых городов, областных городов. Совсем другой мир.

 

- Хотелось бы вернуться к вопросу о саморефлексии российского кино и к дискуссии по поводу фильма Сокурова, о которой Вы только что упомянули. Каково на сегодняшний день состояние российского киноведения и кинокритики?

 

Моя дочь как раз сегодня меня спрашивала, есть ли люди, критики, с мнением которых считались бы режиссеры, актеры, к которым бы прислушивались. Было так в шестидесятые годы. Соловьеву, Туровскую обязательно и читали и знали. Мне кажется, что сейчас есть несколько таких людей, которые хорошо ориентированы в мировом кино, но их мало. Например, Андрей Плахов. Он ездит на фестивали, он действительно понимает кино, постоянно пишет. Поскольку он работает в солидной газате, конечно, он авторитетен. Но он все-таки больше пишет о мировом кино, он очень любит редкие кинематографии. Но это вообще тенденция кинофестивалей, искать что-то, чего не существует.

А что касается новых людей, то тут очень плохо дело. Как я понимаю. Может быть, я ошибаюсь. Есть талантливые люди молодого, среднего возраста, которые занимаются теорией кино. Есть по настоящему интересные историки, тоже среднего, но и молодого возраста. А вот того, что есть основа критики – то есть рецензии, рецензенты - так это, в основном, раздражающий хор. И объяснение у меня то, что это все таки не ВГИКовцы, не люди, которые смотрели сто фильмов, это выпускники факультета журналистики. Апломб, неведение, групповая такая рецензия, все пишут одно и то же. Поэтому, соответственно, и главная реакция со стороны кинематографистов это раздражение, если не ненависть.

 

- В каком состоянии находятся сегодня российские киноархивы ?

 

Госфильмофонд в прекрасном состоянии. Он в списке национальных достояний. Соответственно, он имеет прямое государственное финансирование и ему разрешена коммерческая деятельность. То есть, за каждый метр пленки, в том числе и хроники, которыми он обладает, он берет деньги. Сейчас это стало ужасно. Они уверяют, что им налоговая служба запрещает выдавать кому бы то ни было бесплатно фильмы. А раньше бесплатно выдавали учебным заведениям, ВГИКу и Высшим режиссерским курсам, для некомерческих показов. Например, я сотрудничаю с Польским культурным центром и веду там киноклуб. И мы часто брали у них старые польские фильмы. Теперь не можем взять. Потому что это бешеные деньги. Теперь все перешли на DVD. С Госфильмофондом я в очень тесных отношениях. Они настояли на том, что лицензии на прокат на каждый новый фильм не получают до тех пор, пока не сдадут им копию. И это касается и русских и купленных фильмов. Так что они активно пополняются.

 

- А Красногорск?

 

Красногорск, по моему, никогда особенно фильмы и не выдавал. Но там все в зависимости от целей работы. Если вы делаете фильм, то тогда надо платить. Если же какая то научная работа, то нет. Там какая то умеренная плата, насколько я знаю.

 

- А что касается архивов бывших республик Советского Союза?

 

Это совсем другая история. Потому что с самого начала, как только произошел распад СССР, республики выразили требование отдать им их фильмы. Причем исходные материалы. Копии -то им сделали… Но они претендовали на то, чтобы быть правовладельцами копий своих фильмов. А Госфильмофонд был против. И я на стороне Госфильмофонда. И знаете почему? Потому что, пока шли эти тяжбы, особенно были за это грузины и, как ни странно, Казахстан, пока шла борьба, в Казахстане залило весь фонд. Где то у них в подвале он был расположен, весь фонд Казахской студии, и все погибло. И в Грузии тоже самое, все сгорело. И если бы в Госфильмофонде не было исходных материалов, это погибло бы навечно.

Все таки никакая студия не может обеспечить технологию сохранения на уровне Госфильмофонда. Они этим заняты, они постоянно реставрируют и пленку и исходные материалы.

И потом я считаю, что сама коллекция, сам труд хранения уже дают право на обладание. Коллекция в Эрмитаже это не просто собрание картин, это нечто целое  и потому уже достояние. Так и здесь.

 

То, что действительно вызывает большие опасения, это Музей кино и ситуация с его выселением. Это ужасно.

 

А что за площади им предлагают? Потому что был разговор о переезде на Мосфильм, был разговор о студии Горького.

 

Нет, со студией  Горького, слава Богу, все рассосалось. Это вообще был бред, студия в разрухе, куда там переезжать. На Мосфильме речь шла о временной площади для хранения. Там не было бы ни выставочных залов, ни показов. Потом, там же пропускная система, туда просто так не войдешь. Не говоря уже о том, что расположен Мосфильм так далеко, что никто туда не поедет.

 

То есть, в настоящий момент Музей находится в здании Киноцентра и пока не переезжает?

 

Пока они никуда не переезжают, потому что музей работает в системе фестиваля, показывает свои программы. И Дирекция фестиваля, тот же Михалков, который является Президентом фестиваля, заинтересована в том, чтобы это продолжалось. Поэтому до лета их не тронут. До лета. А дальше… Там молодежь рвется на манифестации, пока их придерживают.

Это ужасная история. Потому что, по настоящему культ кино, культ настоящего кино -  его формирует Музей. Своими показами, своими лекциями, своими выставками. Там все время забито, там полно народу. Ходит народ, в основном, молодой. Это очень важно, потому что это перспектива.

 

И сама фигура Наума Клеймана тоже очень важна.

 

Конечно. Но его укатали. Он уже так измучился. Ходит, улыбается. Спрашиваешь, как дела, он говорит, плохо…

[КИНОГЛАЗ опубликовал открытое письмо Гильдии киноведов и критиков СК РФ Президенту РФ  В.В.Путину, Председателю правительства РФ М.Е.Фрадкову и Мэру г.Москвы Ю.М.Лужкову в защиту

 

- Мы хотели попросить Вас рассказать нам о российских кинофестивалях. В России их большое количество. Не могли бы Вы помочь нам нарисовать некую схему, как эта система функционирует, в чем различия, в чем их цель…

 

Там нет системы. Это множество появилось в период такой абсолютной активности, всех и вся. Все хотели что-либо сделать. Кто-то один создал фестиваль, другой тоже создал фестиваль. Один нашел деньги в Краснодарском крае, другой нашел деньги в Петербурге. И, собственно, ничего плохого в этом и не было. И я даже и сейчас считаю, что нет. Потому что, по-прежнему, прокат российских фильмов очень слаб. Российские фильмы прокатчики берут неохотно, ну за теми исключениями, о которых мы с Вами уже говорили. Но это три - пять фильмов, это несерьезно.

На фестивалях можно увидеть российские фильмы. И люди страшно удивляются, кстати, что существует кино, что есть новые лица, что старые снимают и снимаются. Это распространение, некоммерческое распространение кино, это полезно.

Но плохо то, что нет национального фестиваля. Который бы показывал все наиболее примечательное за год,  разные направления,  разные тенденции. Кинотавр был ближе всего к этому. И два года назад вставал вопрос о том, чтобы присвоить ему статус национального. Не получилось.

 

- У Кинотавра нет государственной поддержки?

 

У него есть государственная поддержка, но она у него такая же, как у фестиваля в Анапе, чуть побольше. То есть наравне со всеми.  Это даже не пятая часть стоимости фестиваля, а еще меньше. Но сейчас много богатых людей, богатых организаций, инициативных людей…

Хуже другое. Почему я, например, ушла? Борьба за фильмы стала просто невыносимой. Придумали, что если фильм идет, например, на Московский фестиваль, то его нельзя показывать в Сочи. Хотя ни в каких документах, ни в каких правилах это не значится. На национальные фестивали приезжают люди и отбирают фильмы для международных. Национальный фестиваль – не препятствие для показа на международном.  А у нас сейчас так получилось, что это борьба ни на жизнь, а на смерть между Москвой и Сочи.

Кроме того, поскольку государство в некоторые фильмы вкладывает некоторое количество денег, то вдруг оно, то есть Министерство Культуры, стало распределять, какой фильм пойдет в Сочи, а какой фильм пойдет в Выборг.

Национальный фестиваль это витрина национального кино. И там должно быть, как в магазине, представлено все, что есть примечательного. А у нас это распыляется. И там показывается какой то фрагмент, и здесь. Очень трудно стало действительно показать картину года. И пока это не будет как-то осознано…

 

- Фестивали, как например, в Ханты-Мансийске, есть ли у них своя специализация?

 

В Ханты-Мансийске есть. Это только дебюты. И это международный фестиваль. И, кстати, очень неплохой фестиваль. Он сейчас тоже испытывает трудности, потому что он делался на деньги ЮКОСа. В этом году этих денег уже было мало, но все таки фестиваль прошел.

 

- Что изменилось с появлением новых хозяев на Кинотавре ?  В Попечительский совет фестиваля вошли такие люди как Петр Авен [Президент ОАО «Альфа-Банк»], Олег Дерипаска [Генеральный директор ОАО «Русский алюминий»],  Константин Эрнст [Генеральный директор ОАО «Первый канал»].  Может быть, в отношениях с Московским фестивалем появится прогресс? Потому что с Константином Эрнстом особенно не поспоришь…

 

Пришли новые люди : Александр Роднянский [Член Попечительского совета фестиваля Кинотавр, Президент холдинга «СТС Медиа»], Игорь Толстунов [Генеральный продюсер фестиваля].

Фирма Толстунова ПРОФИТ производит фильмы. В этом году их фильмов на фестивале нет, потому что в этом году  у них не выпущено фильмов. Но вообще-то это нехорошо, на своем фестивале показывать свои фильмы. [по сообщениям прессы, кинопродукция СТС также некоторое время не будет участвовать в конкурсных программах «Кинотавра», чтобы сохранить объективность конкурса фестиваля - КИНОГЛАЗ].

Роднянский производит на меня очень хорошее впечатление. Он бывший очень хороший документалист, из Киева. Стал продюсером,  стал выпускать довольно интересное некоммерческое кино. Потом обзавелся на Украине каналом и этот канал процветает и по сей день. У него издательство. И вот его рвут. Его пригласили в Москву, вручили ему телеканал, такого молодежно-развлекательного толка, он его ведет. Одновременно становится одним из продюсеров Сокурова. И он очень любит это. Его все пытают, как ваш канал вписывается в сотрудничество с Сокуровым. А он, а почему бы ему не вписываться. Делает вид, что все это очень естественно. Хотим пропагандировать всякое кино, в том числе и трудное, в том числе и артистическое.

Очень интересным стал фестиваль в Выборге. Мне кажется, что у них только одна ошибка. Они страшно настаивают на том, чтобы показывать только непоказанные фильмы. А поскольку фестиваль в августе, уже ничего не остается. Остаются только случайные картины и те, которые завершены после Московского фестиваля. А если бы они просто делали программу новых фильмов, как таковых, был бы успех. Они организуют круглые столы, дискуссии, очень хорошо, у них бывает очень много зрителей. Потому что там в этом городе вообще ничего нет, нет ни театра, ни даже, по моему, клуба никакого нет.

 

- В Выборге показывается только русское кино?

 

Только русское. Вообще, они неслучайно назвали себя Окном в Европу. Они предполагали, что это будет фестиваль стран Балтийского моря, северных стран. Реализовалось это в том, что на фестивале была одна приглашенная страна, они показывали один-два фильма. Один раз я была там, было шведское кино, другой раз финское. А сейчас уже ничего нет. Ни финнов, ни шведов, ни поляков, никого. Только русские. Но фестиваль любят. Журналисты его любят, хорошо к нему относятся.

Другие фестивали освещаются хуже. Плохо освещается фестиваль в Анапе. Я один раз была там членом жюри и совершенно не пожалела. Это фестиваль бывших советских республик. Показывают картины, которых нигде не увидишь, все вместе собраны. И смотришь с удивлением. Про Азию известно, что там появляются интересные картины. А какая нибудь кинематография, например, Азербайджана, кажется, вообще куда-то канула. А оказывается, что нет. Делают фильмы. Абсолютно нет кино на Украине, просто удивительно. Один фильм за два года сделают, безумие, вроде Мазепы. И школа у них есть. А кино нет. Куда все делось? У них существует хороший международный фестиваль Молодость. Живой, публика на него ломится, но там нет украинских фильмов. Молдавского кино нет, абсолютно. Бывшие режиссеры живут в Москве, ничего не делают, потому что им трудно получить от русского Министерства культуры деньги. Грузинское кино все в эмиграции, начиная от Иоселиани. Казахская кинематография существует, но она тоже полуфранцузская, полуказахская. Поэтому она еще как то в мире известна - поскольку французы ее рапространяют. Узбекское кино, Юсуп Разыков, который каждый год снимает фильмы. Таджикское кино, где Бахтияр Худойназаров живет то в Москве, то в Берлине. И снимает на русские деньги...

 

- Вы долгое время работали на Кинотавре. А что касается нового фестиваля, который планирует Марк Рудинштейн в Петербурге, « Золотой Ангел » [18 - 31 июля 2006 года – КИНОГЛАЗ] http://kinotavr.ru/group/mark/11/ ], вы будете там работать?

 

Я знаю, что он одержим идеей фестиваля на площади. И поскольку в Сочи очень хорошо выглядят эти ночные показы на площади, до четырех часов ночи, то он решил перенести это в Петербург.

Он меня спрашивал, будешь работать? Я говорю, я еще не знаю с чем, как это будет выглядеть. Сейчас у него еще остался фестиваль Лики любви, который  он в этом году проводит уже два раза. В августе, в Сочи во второй раз будут Лики любви  [«Лики Любви– 2005» 27.08 – 04.09.2005 - КИНОГЛАЗ]. Ну и детский фестиваль [ Международный Детский фестиваль искусств в г.Сочи  1.11 – 10.11.2005 - КИНОГЛАЗ]. Не знаю, хватит ли у него сил на все это…

 

 


L'industrie du cinéma russe : l'audience en hausse

RIA Novosti, 21 septembre 2005

http://fr.rian.ru/analysis/20050921/41466236.html

MOSCOU, 21 septembre. Olga Sobolevskaïa, commentatrice de RIA Novosti

 

Lentement, les salles de cinéma russes se remplissent, attirant une audience croissante : leurs recettes 2005 promettent de se monter à 350 millions de dollars. Il y a deux ou trois ans, seuls des jeunes de 13 à 25 ans formaient des files d'attente devant les guichets, mais la situation change déjà : le public "plus adulte" semble de nouveau attiré par le cinéma grand format. Grâce notamment aux succès cinématographiques nationaux de 2005, à la publicité et aux distributeurs.

 

"Autrefois, pour les films à grand budget, les réductions sur les prix des billets d'entrée étaient soumises à des restrictions, explique Sergueï Sorotchkine, directeur général de la compagnie de diffusion Luxor. - On comprend maintenant que ces restrictions éliminent toute une couche de spectateurs. Tous les réseaux de salles décident donc de maintenir les rabais". "Luxor accorde des réductions aux jeunes et aux étudiants et beaucoup font de même aujourd'hui", fait-il observer. "Par exemple, le Havana, notre salle, organise des programmes dans le cadre desquels les billets sont vendus à des prix très abordables, à partir de 40 roubles (1dollar vaut 28,5 roubles). Les gens du troisième âge commencent à remplir nos salles. Quant aux adultes, nous leur vendons les billets à moitié-prix, dans le cadre d'actions spéciales, pour les séances en matinée".

 

Et pourtant, ce sont moins les prix des billets que les films eux-mêmes, en premier lieu les films russes (et des sondages d'opinion le confirment) qui attirent le public dans les salles. Après les grands projets cinématographiques de l'année en cours ("Le Gambit turc", de Djanik Faïziev, et "Le Conseiller d'Etat", de Filipp Yankovski, d'après deux romans de Boris Akounine), un public plus âgé retrouve le chemin des salles, nostalgique de personnages russes et de sujets patriotiques. Le film de Faïziev a collecté 19 millions de dollars, battant le résultat du champion 2004 "Ronde de nuit", de Timour Bekmambetov. Pour la deuxième année consécutive, des films russes se retrouvent sur l'olympe des grands succès de la distribution. "Le Gambit turc" et "Le Conseiller d'Etat" prouvent qu'on peut aller au cinéma pour tirer un grand plaisir du son et de l'image de qualité", poursuit Sergueï Sorotchkine. Les experts estiment que le cinéma russe détient cette année 15% du marché contre 10% en 2004.

 

Mais ces films n'auraient pas beaucoup de chances de succès sans une puissante offensive publicitaire ! L'industrie du cinéma nationale accorde déjà une grande attention à la promotion de ses produits. "D'après les normes occidentales, la promotion d'un film engloutit à peu près 20% de la recette que les distributeurs projettent d'obtenir des salles sous forme de taxe sur la diffusion", explique à RIA Novosti Vadim Ivanov, directeur adjoint pour la diffusion à Gemini Film International, distributeur de 20 Century - Fox. "Mais pour les films russes ayant de bonnes chances de succès dans la diffusion internationale, ce pourcentage pourrait être revu à la hausse", précise-t-il.

 

Les films sont d'abord "rôdés" auprès de "groupes témoins". "Bien des choses dépendront de la manière dont le film sera accueilli et du montant des recettes, dit Ivanov. - Si un projet s'annonce à long terme, on ferait bien de consentir un supplément d'investissement".

 

Tant Luxor que Gemini ont des "enveloppes" solides de films pour l'avenir. Un des grands projets de Gemini pour automne-hiver 2005 est "La 9ème compagnie", un film de Fedor Bondartchouk, 40 ans, auteur de clips, producteur, acteur et animateur à la télé, fils de Sergueï Bondartchouk, réalisateur du "Guerre et Paix" soviétique, épopée cinématographique récompensée par un Oscar américain en 1968. Le sujet de la "9ème compagnie" est tiré d'événements réels survenus à la fin de la campagne d'Afghanistan (1979-1989). Une compagnie soviétique a tenu une hauteur dans un combat contre des mercenaires d'Oussama ben Laden, personnage peu connu à l'époque, sans reculer d'un pas. "Le film aura un départ record, 410 copies, et de grands espoirs sont fondés sur lui, explique Vadim Ivanov. - Et pourtant, son marketing ne sera pas des plus faciles : un drame de guerre, un film qui a ses spécificités : personne ne vous dira comment ce film à grand budget sur une guerre qui ne s'est pas estompée des mémoires doit être diffusé. Car cette guerre a touché beaucoup de gens appartenant aux générations moyenne et adulte. Mais nous comptons sur une plus vaste audience. Fedor Bondartchouk lui-même incarne une télévision récréative, il est populaire auprès des jeunes, mais les autres étoiles engagées dans le film sont aussi des idoles des jeunes".

 

Le départ du projet prometteur "Gemini" est prévu pour le 1er décembre. "Nous voudrions réaliser une idée sans précédent sur le marché, une diffusion réitérée", souligne le vice-directeur de Gemini pour la diffusion. Mais, dit-il, le film sera présenté dans une version occidentale, plus dynamique, dont la diffusion à l'étranger n'a commencé que tout récemment. La suite du film, "Ronde de jour" (une vraie première !), tourné d'après un roman de Sergueï Loukianenko (comme la "Ronde de nuit"), va sortir également.

 

De l'avis de Vadim Ivanov, les principaux problèmes de l'industrie du cinéma sont l'opacité du marché, le piratage et la pénurie de cadres de qualité. "Pour l'instant, notre industrie du film n'en est qu'au stade embryonnaire. Nous avons encore peu de bons opérateurs, d'ingénieurs du son, de spécialistes des éclairages et de représentants d'autres métiers cinématographiques. Il faut qu'une période s'écoule avant que n'apparaisse une nouvelle génération de professionnels", affirme-t-il.

 

 


Le Festival du film russe à Honfleur est un festival unique

Marina Blatova, du Département de promotion des films russes

 de l'Agence fédérale pour la culture et la cinématographie

en exclusivité pour RIA Novosti pour le Festival de cinéma russe de Honfleur 2005

(Nous remercions vivement l'Agence RIA Novosti de nous avoir autorisés à publier cette interview)

 

Le Festival du film russe à Honfleur est un festival unique, avec ses programmes de compétition et hors-concours et sa sélection très rigoureuse. Il contribue largement à populariser l'art cinématographique russe. Très modeste rencontre dans un premier temps (les films projetés provenaient en partie de la cinémathèque héritée de l'époque soviétique), il est devenu, avec le soutien des Studios Mosfilm et des cinéphiles de Honfleur, un événement culturel d'envergure. Des films pour le jeune public et des documentaires y sont également projetés. Car l'intérêt pour le cinéma russe est assez particulier en Normandie, où l¹on trouve beaucoup de descendants d¹émigrés russes de la deuxième et troisième générations.

 

Cette 13e édition du Festival coïncide avec le 60e anniversaire de la Victoire et comporte une rétrospective de la Seconde guerre mondiale. On y verra des films célèbres comme la Ballade du soldat, de Grigori Tchoukhraï, ainsi que des documentaires. L'un d'eux, La bien-aimée du soldat, de Galina Dolmatovskaïa, est consacré au poète Constantin Simonov et à sa muse, l'étoile du cinéma soviétique de l'époque stalinienne Valentina Serova.

 

L'UNESCO, conjointement avec les Studios Mosfilm, a institué cette année un prix récompensant des réalisateurs étrangers. C'est à Honfleur qu¹il sera décerné pour la première fois. Des prix en espèces seront remis pour les meilleurs débuts, dont la palette est, cette année, très variée. Dans cette catégorie, le public découvrira, à Honfleur, La Fuite d'Egor Kontchalovski, Apocryphe : Musique pour Pierre et Paul de l'Iranien Adel Al-Khadad, diplômé de l'Institut d'art cinématographique de Moscou (le scénario, consacré au compositeur Piotr Tchaïkovski, a été écrit par Youri Arabov, co-auteur permanent d'Alexandre Sokourov), Fekla et ses chiots de Youri Morozov, Adieu docteur Freud de Marina Migounova, traitant de "jeux psychanalytiques" au sein d'une famille.

 

Les films qui ont déjà été présentés à des festivals internationaux participeront au programme de compétition. Citons, entre autres, L'Italien d'Andreï Kravtchouk, qui relate l¹histoire d¹un orphelin à la recherche de sa mère (ce film concourt pour l'Oscar du meilleur film étranger), et Le Cosmos comme pressentiment, un film d'Alexeï Outchitel qui propose une réflexion sur les espérances nouvelles et inédites. On retrouvera également On demande une nounou de Larissa Sadilova, qui raconte la destruction méthodique d¹une famille par la nourrice récemment engagée, et Familles à vendre, de Pavel Lounguine, qui présente un business un peu particulier, celui de la recherche de parents, vrais et imaginaires. En plus des films en compétition, neuf documentaires et un programme développé pour enfants seront présentés.

 

C'est justement en matière de festivals et d'échanges culturels que la coopération russo-française s'avère être la plus fructueuse. Plus que tous les autres pays, la distribution en Russie fait appel au cinéma français. Et la nationalité de nombreux films est russo-française. Ce sont des films tournés conjointement par des diplômés de l'Institut d'art cinématographique et Pavel Lounguine. L'an dernier, il y a eu quatre réalisations conjointes et il existe un grand nombre de projets.

 

Tous les ans, la France accueille un grand nombre de festivals auxquels la Russie cherche à participer. Sans compter, cela va de soi, le festival de la culture russe à Cannes (il se tient tous les ans au mois d'août) et les Journées du film russe (chaque année, la Russie y présente 4 films). A Strasbourg et Nancy, ce sont les consulats russes qui nous aident à organiser ces projections. Un festival du cinéma muet - 25 films au total - animera cette année l'exposition de toiles russes de cette même époque, qui se déroule, dans le cadre des échanges culturels, au Musée d'Orsay.
 

 

 


On demande une nounou :

les nouveaux rapports au sein de la famille et en Russie

par Larissa Sadilova, réalisatrice

en exclusivité pour RIA Novosti pour le Festival de cinéma russe de Honfleur 2005

(Nous remercions vivement l'Agence RIA Novosti de nous avoir autorisés à publier cette interview)

 

L¹arrivée, dans la maison d¹un jeune couple, d¹une ancienne institutrice engagée comme nounou  perturbe sérieusement les rapports familiaux. Tel est le sujet du drame psychologique On demande une nounou. J'écris moi-même les scénarios de mes films et la psychologie des gens m'intéresse au plus haut point.

 

On demande une nounou est un film sur la fragilité des rapports familiaux, il montre qu'il faut savoir les protéger, être attentif aux enfants pour éviter qu¹une intervention extérieure puisse les détruire. Ce film montre aussi ce que je n'accepte pas chez les gens : la convoitise, le manque de loyauté, la méchanceté. Une nounou ne peut qu'aimer véritablement les enfants.

 

Le film comporte plusieurs sujets permettant aussi d'étudier les rapports sociaux. Il y a encore dix ans, nous ne pouvions imaginer des rapports patrons/employés de maison au sein de la société russe. Comme nous ne pouvions imaginer que ces employés de maison auraient une instruction supérieure, auraient précédemment exercé des métiers aussi respectables qu¹instituteur, ingénieur, chercheur. Ces gens ont été contraints de trouver un autre emploi pour survivre. On comprend alors leur irritation, la haine qu'ils vouent à leurs patrons. Ceux-ci considèrent la nounou comme une domestique, d'où son ombrage et son manque de loyauté. Il semblerait, selon les organisateurs du Festival d'Honfleur, que ces questions soient d'actualité en France également.

 

Au fond, la nounou du film est un témoignage des changements sociaux. Elle devient elle-même une femme d'affaires, son travail devient pour elle un business. Parfois les gens doutent de leurs propres forces, cherchent à se bâtir une vie heureuse au détriment d'autrui. On demande une nounou est à cet égard une mise en garde.

 

Dans le film le social fusionne avec le thème ethnique. Il y a trois ans j'ai fait construire une maison dans les environs de Moscou (les appartements à Moscou sont hors de prix). Je ne suis ni « nouveau riche », ni femme d'affaires, mais... une maison ne s'érige pas toute seule, il faut forcément embaucher. Aujourd'hui la construction immobilière bat son plein en Russie. L¹histoire a voulu que les habitants des anciennes républiques soviétiques - Ouzbeks, Tadjiks, Moldaves, Ukrainiens - fassent office d'ouvriers du bâtiment. Auparavant nous vivions tous dans une même URSS, mais il y a maintenant des employeurs et des employés, ce qui est compliqué pour les uns comme pour les autres. Dans le film, il y a aussi des ouvriers du bâtiment immigrés.

 

Après avoir vu le film, les spectateurs me demandent souvent où se trouve l'issue, comment régler ces problèmes. Je l'ignore, moi aussi je cherche une solution.

 

Habituellement, je tourne en province. C'est là que vivent la plupart des Russes. Moscou est un Etat dans l'Etat et tout le monde tourne dans cet Etat isolé. Or, la capitale ne reflète pas la vraie vie. La perestroïka, ce qui s'est produit à Moscou, les bars luxueux, la vie mondaine sont autant de choses qu'ignorent tous les provinciaux ou presque. Ils continuent de vivre comme autrefois. En principe, la province ne se soucie guère de la vie moscovite. Quel intérêt peuvent bien présenter les casinos, les malfrats et les prostituées ? La plupart de nos concitoyens sont des gens normaux qui n'ont aucun rapport avec cela. Dans le film On demande une nounou l'action a beau se dérouler hors de Moscou, de nombreux spectateurs établissent un parallèle avec la vie de la capitale.

 

Existe-t-il un cinéma féminin ? Je serais tentée de répondre que les réalisatrices sont plus disciplinées, plus responsables, mais que tout le reste est affaire de talent. On m'a maintes fois proposé de tourner des feuilletons, mais dans mon for intérieur je ne suis pas motivée. Si je fais du cinéma, ce n'est pas pour gagner de l'argent. Deux fois par an je réalise un long métrage sur ce que je connais réellement. La psychologie féminine est naturellement le thème que je connais le mieux.

 

 


Le Cosmos comme pressentiment : une aspiration vers l'inconnu

 par Alexeï Outchitel, réalisateur

en exclusivité pour RIA Novosti pour le Festival de cinéma russe de Honfleur 2005

(Nous remercions vivement l'Agence RIA Novosti de nous avoir autorisés à publier cette interview

 

Pour moi en tant que réalisateur du drame Le Cosmos comme pressentiment, le mot clé, « pressentiment », doit être pris au sens le plus large. Il s¹agit de la prémonition qu¹ont les personnages du film de quelque chose de nouveau, d¹extraordinaire, de l¹amour. Nous avons essayé de découvrir l¹ensemble de ces pressentiments.

 

Et le mot « cosmos » signifie l¹aspiration et l¹envolée vers l¹inconnu. Dans le film, le réel et le mystique coexistent. Dans son scénario, Alexandre Mindadze a entrelacé des éléments du mystique, du thriller, du roman policier, du mélodrame.

 

Pourquoi avons-nous choisi pour ce film l'année 1957, date à laquelle l¹URSS a lancé le premier satellite artificiel de la Terre ? Il était intéressant de comprendre l¹influence de cette époque sur les hommes, ce qui se passait dans leur vie, ce qu¹ils ressentaient. Nous souhaitions reproduire la voix de cette époque, le bruit du temps, à la veille du vol dans l¹espace de Youri Gagarine. Nous sommes tous passés alors à une nouvelle orbite, de nouvelles espérances sont apparues. Ce vol est devenu une percée dans l'inconnu.

 

Il est toujours intéressant d¹étudier la vie des gens effacés et modestes dans le contexte des processus globaux, sérieux, d¹observer comment la grande vie et la petite vie entrent en contact. Les deux personnages principaux, le cuisinier d¹un restaurant de province surnommé Koniok (« Dada ») et l¹ouvrier Guerman aspirent tous deux à la même chose, à l¹inconnu, à l¹épanouissement et au bien. Tous deux savent que quelque chose d¹étonnant, d¹important les attend plus tard, quelque chose qui n¹a rien à voir avec leur vie actuelle. Mais chacun a sa propre voie.  Koniok hésite de façon candide et naïve. Guerman, un homme d¹expérience vivant une histoire compliquée s¹apprête lui à commettre une action folle : fuir à l¹étranger à la nage. Le second sera emporté vers son but par des vagues noires et froides, le premier par un wagon confortable d¹un train moscovite. Là-bas, Koniok rencontrera par hasard le futur premier homme de l¹espace, Youri Gagarine.

 

Dans un bon film, le ridicule et le triste cohabitent : ce n¹est pas nous qui l¹avons inventé. Nous avons essayé de suivre cette recette. Les films sur la vie quotidienne en tant que telle ne sont sans doute pas intéressants. Nous avons cherché à lui conférer des nuances mystiques, existentielles. Le cinéma doit toujours être équivoque.

 

Le film a du succès lorsqu¹il touche le spectateur au niveau des émotions, de la psychologie, de la philosophie. Si c¹est le cas, les spectateurs et les jurys des festivals apprécient hautement le film. Nous avons probablement réussi. L¹action du film Le Cosmos comme pressentiment se déroule dans une petite ville portuaire soviétique. Mais les problèmes, les émotions, les relations entre les hommes sont tout à fait internationaux dans cette ville de province à l¹ambiance typiquement soviétique. Ils sont universels. Cette aspiration des personnages vers le haut, vers l¹inconnu sera compréhensible aussi pour les spectateurs étrangers.

 

 

 

 

 

 

 

 


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