Biographie, articles et interviews de Joël Chapron


"Le changement de typologie des spectateurs va influer sur le contenu des futurs films"

 

Interview de Joël Chapron,

responsable à Unifrance des pays d'Europe centrale et orientale et «correspondant étranger» du Festival de Cannes par Elena Kvassova-Duffort et Jacques Simon (Kinoglaz), Paris le 6 mai 2008.

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Nous nous rencontrons encore une fois dans la même période de l’année, juste avant le festival de Cannes, donc un bilan de l’année écoulée s’impose. Positif comme négatif. Parmi les choses positives : le fait qu’au début de l’année cinq films russes soient sortis en salles plus le documentaire sur l’affaire Litvinenko.

Si l’on commence par le cinéma russe en France, effectivement il y a eu une accélération du nombre de sorties. Deux films, en fait, ont bien marché, chacun dans son genre : Mongol, sorti le 9 avril, va finir sa carrière un peu au-dessous de 300 000 entrées, ce qui n’est pas mal du tout (sorti par Metropolitan Filmexport sur 153 copies France, il totalisait 243 265 spectateurs en fin de 3e semaine d’exploitation) ; ce film est russo-kazakh avec de l’argent allemand. L’autre bonne surprise de ce début d’année, mais à moindre échelle, c’est L’Île de Pavel Lounguine, sorti sur 19 copies par Rezo Films et qui devrait finir sa carrière à près de 50 000 entrées - ce qui est beaucoup rapporté au nombre de copies et surtout rapporté aux premiers chiffres au moment du lancement du film qui n’étaient pas très bons. Mais le film s’est vraiment installé sur la durée et les copies tournent. Les deux échecs sont Le Bannissement d’Andreï Zviaguintsev et Litvinenko : empoisonnement d’un ex-agent du KGB d’Andreï Nekrassov et Olga Konskaïa – alors même que les metteurs en scène de ces deux films sont venus à Paris assurer la promotion lors de la sortie. Sorti à l’automne dernier, Alexandra d’Alexandre Sokourov a réalisé un score assez moyen – si on le compare à deux autres films de Sokourov, L’Arche russe et Mère et fils.

Et Day Watch n’a pas marché du tout.

Non. La Fox l’a sorti sur 10 copies, ce qui doit être une des plus petites sorties de cette major américaine en France. Vu l’échec relatif du premier film, Night Watch, pour la promotion duquel la société de distribution avait mis beaucoup d’argent, celle-ci a décidé de ne pas beaucoup investir sur la sortie du deuxième. Donc le film est sorti un peu en catimini. De tous les films russes sortis ces six derniers mois, il s’agit de celui qui avait le plus gros budget, mais c’est celui qui aura effectivement le moins bien marché.

Le prochain film à sortir (demain, 7 mai) est le dernier film d’Igor Minaiev, Loin de Sunset Boulevard, qu’il a tourné il y a deux ans. Il s’agit, là encore, d’une petite sortie. Il n’y aura plus jusqu’à l’automne de sorties de films russes annoncées, et il est trop tôt pour savoir quand sortiront les 3 films russes sélectionnés cette année à Cannes.

Par ailleurs, le film de Nikita Mikhalkov, 12, acheté récemment par la société française Kinovista qui doit maintenant passer un accord avec un distributeur pour le sortir en salles, n’a, par définition, pas de date de sortie annoncée.

En principe, il devrait y avoir une sortie en salles du dernier film d’Andreï Kontchalovski Papier glacé. Ce film, coproduit par la France et dans lequel Canal+ a investi de l’argent, est donc censé sortir ici, mais j’ai bien peur que ce ne soit, là encore, qu’une petite sortie.

Parmi les 3 films cannois, 1 a déjà été acheté par Rezo Films : il s’agit de Ils mourront tous sauf moi de Valeria Gaï Guermanika. Rezo Films a pris le mandat de vente internationale et devrait sortir le film en salles (sauf s’il trouve un autre distributeur français pour le faire). Tulpan de Sergueï Dvortsevoï, une coproduction de l’Allemagne, la Suisse, le Kazakhstan, la Russie et la Pologne a été acheté par la société française A.R.P. Distribution et devrait sortir cet automne. Quant à Shultes de Bakour Bakouradzé, on peut espérer qu’une sélection à la Quinzaine des réalisateurs incite un distributeur français à l’acheter. Cela dépendra sans doute de l’accueil qui lui sera réservé… Il est intéressant de constater que sur les trois films à Cannes aucun n’est coproduit par la France.

Il semble que ce qui a beaucoup aidé Mongol en France, c’est sa présence dans la short-list pour les oscars.

Ça aide forcément, mais Mikhalkov était aussi dans la short-list des cinq films retenus, or il n’a été acheté qu’une fois les oscars décernés, pas avant – sans doute pour des raisons de prix qui a baissé à cause de l’absence de récompense. Je pense plutôt que Metropolitan, qui avait acheté Mongol il y a près d’un an (donc bien avant que la short-list soit publiée), a décidé de mettre beaucoup d’argent dans la promotion et de positionner le film comme un grand film épique, avec une affiche très symptomatique, comme les films de Chen Kaige ou de ces nouveaux metteurs en scène chinois, ou comme ceux que faisait Kurosawa dans les années 1950, avec des chevaux, des grands espaces... On s‘éloigne presque du cinéma russe et on va plutôt vers l’Asie. Le budget promotionnel était très important et le film fait une carrière plutôt honorable. C’est un film d’action qui se regarde, qui est bien fait. C’est la première fois que Metropolitain sort un film « russe » et c’est une société qui est plutôt spécialisée sur les films commerciaux. C’est toujours difficile de dire ce qui fait qu’un film marche ou ne marche pas, mais je pense que c’est la qualité de la distribution, la sortie, le positionnement qui ont fait que le film a marché, plus que la short-list des oscars que peu de gens connaissent.

Mongol est un cas d’école intéressant parce que, après Night Watch, c’est le premier film avec de l’argent russe qui soit considéré comme film commercial et qui sorte en France ; il n’y en a pas d’autres. C’est intéressant parce qu’enfin un film commercial russe marche en France, ce qui est rare.

Pourquoi L’Île a marché à votre avis ?

Pour L’Île, il y a eu un vrai travail du distributeur français qui a bien fait de ne pas le sortir sur davantage de copies. Le film a eu de très bonnes critiques dans Le Nouvel Observateur, Le Monde, Le Figaro… et Laurent Daniélou (Rezo Films) a fait plusieurs « piqûres de rappel » de publicité en prenant des encarts dans Le Monde.

Alexandre Rodnianski, le président de la chaîne russe STS et président du festival Kinotavr (Sotchi) disait que, pour le film Le Retour d’Andreï Zviaguintsev (180 000 entrées en France), on avait fait le plein de spectateurs de films d’auteur pour le cinéma russe. Avec ce film, on était même allé au-delà du nombre de spectateurs classiques de films d’auteur russes. Ceux-ci ont parfois atteint 100 000 entrées, mais jamais plus. 100 000 entrées, c’est un gros chiffre, c’est celui d’Un nouveau Russe par exemple. Classiquement, c’est entre 20 000 et 50 000 et je pense que la programmation de L’Île, la manière dont a été faite la publicité, le positionnement avec l’affiche, les paysages et surtout la presse ont beaucoup joué. Pour un film comme Mongol, la presse ne joue pas de la même façon. Elle joue pour des films commerciaux quand vous avez quatre pages dans Studio ou Première, mais Le Nouvel Observateur, Le Figaro, ce n’est pas pour le même public. Pour L’Île, l’accueil de la presse, de certains journaux-clés fait que les lecteurs vont voir les films qui leur sont recommandés, il y a un effet de recommandation qui est très fort et il y a eu des critiques enthousiastes. Et puis le film correspond totalement à l’image du cinéma russe. Des paysages de neige, la religion, les popes…

C’est une région que l’on n’avait pas vue en France. Et il y a le facteur personnel de Lounguine…

Oui, même si, avec le temps, ses films faisaient moins d’entrées. Le dernier film de Pavel Lounguine (Une branche de lilas, tourné après L’Île) n’est jamais sorti à l’étranger… Néanmoins, il est clair que son nom est connu et que sa notoriété a joué un rôle important. Par ailleurs, Lounguine est en plein tournage d’un très gros film qui sera prêt l’année prochaine : Ivan le Terrible, avec Piotr Mamonov, l’acteur principal de L’Île, dans le rôle titre.

Peut-on parler d’un autre aspect positif concernant cette année, c'est-à-dire de coproductions ou de participation de Russes dans des projets internationaux ? Il y a deux projets dont on parle actuellement, Farewell de Christian Carion et Le Concert de Radu Mihaileanu.

Le tournage de Farewell a commencé la semaine dernière. Christian Carion est le metteur en scène de Joyeux Noël et Une hirondelle a fait le printemps. Le film raconte l’histoire, sans doute vraie, de l’agent double du KGB qui était en poste en France et qui a fourni à François Mitterrand en 1981, quand il est arrivé au pouvoir, la liste de tous les agents du KGB en poste en France et qui espionnaient pour le compte de l’Union soviétique. C’est grâce à cette liste qu’on a expulsé, en avril 1983, quarante-sept diplomates et leurs familles dont les images de l’expulsion (des autocars entiers garés devant l’ambassade parisienne) ont fait le tour du monde. Christian Carion pense même que cet espion-là a fait plus pour la chute du régime communiste que Gorbatchev avec la perestroïka. Dans le film jouent Sergueï Makovetski, Ingeborga Dapkounaite, Guillaume Canet… C’est effectivement l’un des gros projets, mais ce n’est pas une coproduction au sens fort du terme. Il y a du tournage à Moscou, dont je ne suis pas sûr qu’il soit très important aujourd’hui, parce que le producteur français, Christophe Rossignon, a considérablement réduit le tournage russe à cause du coût de fabrication en Russie. Au départ, Nikita Mikhalkov devait jouer le rôle de l’agent double, mais il ne le fait finalement pas, trop occupé sur le tournage de Soleil trompeur-2. C’est néanmoins Tri-Te, sa société de production, qui est le partenaire russe de cette entreprise.

Le deuxième film, c’est Le Concert du réalisateur Radu Mihaileanu, produit par Alain Attal, Productions du Trésor. Il se trouve que c’est un film sur lequel j’ai travaillé il y a cinq ans : on était partis avec Radu Mihaileanu et son co-scénariste Alain-Michel Blanc à Moscou pour nourrir le scénario et s’imprégner des ambiances. Il ne s’agissait pas de repérages à proprement parler ; ce voyage était essentiellement composé de rencontres que je leur avais organisées. C’est une comédie qui se déroule au moment de la perestroïka et du démantèlement de l’Union soviétique : un chef d’orchestre viré de son poste et qui fait le ménage dans les bureaux de l’orchestre découvre un fax qui arrive sur le bureau du nouveau patron. Ce fax est une invitation de la salle Pleyel pour l’orchestre. Il se dit : « C’est la chance de ma vie ! », vole le fax et monte un orchestre parallèle avec ses anciens copains pour aller à Paris. Il y a ensuite un certain nombre de péripéties qui vont s’ajouter, mais l’idée de base est assez drôle. Il semblerait que le scénario parte d’une histoire partiellement vraie, c’est une véritable comédie. Ce film, dans lequel jouent Miou-Miou, Jacqueline Bisset, Mélanie Laurent, François Berléand, ainsi que les Russes : Alexey Guskov, Valery Barinov, Dmitri Nazarov et Anna Kamenkova, entre en tournage le 22 mai à Bucarest, puis partira pour Moscou au début de l’été pour deux jours seulement avant de revenir sur la France. Les coûts prohibitifs en Russie et l’absence de réelle coproduction ont réduit le nombre de jours de tournage au strict minimum…

Il y a aussi le nouveau film d’Ilya Khrzhanovski qui s’appelle Dau : développé dans le cadre de l’Atelier de la Cinéfondation, ce film est une coproduction européenne avec la société française « Parisienne de production » (Philippe Bober), l’allemande Essential Filmproduktion, la russe Phenomen Films et la suédoise Plattform Produktion. Ce film est soutenu à hauteur de 600 000 euros par le fonds Eurimages du Conseil de l’Europe.

Enfin, le tout nouveau projet de Slava Ross, développé lui aussi lors de son séjour à la résidence de la Cinéfondation et intitulé Oubliés en Sibérie, devrait être coproduit par une société française créée pour l’occasion.

Mais, suite à cela, peut-on parler d’évolution positive en ce qui concerne la collaboration entre Français et Russes dans le domaine du cinéma ? Est-ce que le pitching de projets russes dans le cadre des rencontres franco-allemandes que vous avez organisé à Versailles en novembre 2007 a eu des résultats concrets ? Comment cela s’est-il passé ?

Pour l’instant, je ne dispose pas de résultats concrets sur les projets qui y ont été présentés. Il y a toujours un projet canado-russo-français dans l’air qui a été annoncé, mis en scène par Gérard Krawczyk qui s’appelle Le Troyen qui, pour l’instant, n’est pas très avancé. Mais je pense que cette rencontre était utile pour tout le monde. Je n’imaginais pas qu’après cette séance il y ait des projets qui se montent immédiatement. Cela aurait été génial, mais ce n’était pas mon but. Mon but, c’était vraiment de faire en sorte que la production russe puisse devenir un jour une coproduction pour un certain nombre de projets, et pour cela il faut commencer par présenter des gens les uns aux autres, en les intégrant dans un circuit de coproductions déjà établi comme le circuit franco-allemand. Et donc c’était, à mon avis, la meilleure plate-forme pour faire venir une dizaine de producteurs russes, parce que la France et l’Allemagne sont les deux pays avec lesquels les Russes coproduisent le plus. Mon but était d’offrir aux Russes cette possibilité exceptionnelle de présenter leurs projets devant une centaine de producteurs français et allemands importants. Je suis allé au bout de mon travail, après c’est aux producteurs de se mettre ou non d’accord.

Une chose est sûre aujourd’hui : un certain nombre de Français ont bien compris qu’il y avait de l’argent en Russie et que les partenaires russes pourraient être de vrais partenaires fiables qui pourraient mettre de l’argent.

Le gros handicap des coproductions avec la Russie aujourd’hui est double. D’abord, la Russie reste un pays à visas et donc la circulation est compliquée. Quand vous faites un film et que vous passez votre temps dans les avions, il y a un ingénieur du son qui doit changer la tête de son lecteur, il y a les négatifs qu’il faut rapatrier, il y a un acteur qui doit venir et qui repart chez lui et revient la semaine d’après, etc., c’est compliqué. Rien n’est impossible, mais c’est plus compliqué que de tourner dans l’Union européenne. La deuxième raison, c’est que globalement 80% du cinéma russe se finance à Moscou. Tous les tournages ne se font pas à Moscou, mais Moscou est la base majeure du cinéma et Moscou est la ville la plus chère au monde. De plus, aujourd’hui, ce n’est pas du tout rentable d’aller tourner en Russie. Donc, on ne peut pas du tout parler, par exemple, de délocalisation. Quand on va tourner en Roumanie, en Hongrie, en Bulgarie aujourd’hui, c’est évidemment pour réduire les coûts. Faubourg 36, le film de Christophe Barratier, (le metteur en scène des Choristes) ou La Môme d’Olivier Dahan avec Marion Cotillard ont été partiellement tournés en République tchèque, L’Île aux trésors d’Alain Berberian avec Gérard Jugnot en Hongrie, Amen de Costa-Gavras en Roumanie… Les reconstitutions historiques y sont moins chères et d’excellente qualité : dans La Môme, le théâtre où Édith Piaf fait un malaise sur scène, c’est à Karlovy Vary que cela a été tourné !

Vous n’allez pas en Russie pour des raisons d’économie. Au contraire, vous êtes sûrs que cela va grever le budget. Donc, au final, ne vont en Russie que les producteurs et les metteurs en scène qui ont une raison scénaristique d’y aller. Vous n’y allez pas pour autre chose. Jamais. Et cela freine considérablement les coproductions, parce que, même si vous vous dites que vous n’avez pas besoin d’aller tourner à Moscou, que vos besoins sont en province, à la campagne, ailleurs, de toute façon vous passez par Moscou et vous avez des rendez-vous à Moscou, l’argent étant à Moscou. Donc vous êtes obligé de faire des voyages à Moscou, une fois, deux fois, trois fois, pour signer des contrats. Le moindre hôtel est à 300 euros la nuit, il faut des visas et chaque visa, c’est 100 euros. Tout de suite, vous partez dans des budgets énormes. Et cela est un frein au développement des coproductions entre la France et la Russie. Comme je le disais, le film de Radu Mihaileanu ne se fait pas dans le cadre d’une coproduction et les coûts ont limité le tournage russe au strict minimum Donc, pour l’instant, je ne suis pas très confiant dans une explosion des coproductions à cause, au moins, de ces deux raisons-là : pays compliqué et coût prohibitif.

J’en ajouterai, évidemment, une troisième : le fait que la Russie n’ait toujours pas intégré le programme Eurimages du Conseil de l’Europe visant à développer les coproductions est également un frein. Certes, la contribution financière demandée à la Russie étant en proportion de l’activité cinématographique et de paramètres économiques nationaux est assez importante, mais les bénéfices qu’en retireraient les producteurs russes seraient sans commune mesure avec la somme dont le pays devrait s’acquitter. Quand on voit les sommes investies dans la présence russe à Cannes qui ne célèbre que le cinéma d’avant (100e anniversaire de la naissance du cinéma de fiction, 50e anniversaire de la seule et unique Palme d’or…), alors même que la cinématographie russe a 3 premiers films de metteurs en scène prometteurs sélectionnés cette année, on se dit que ces sommes pourraient peut-être être allouées à d’autres fins.

En revanche, ce qui est en train de se faire de plus en plus, ce sont les tournages des Russes en France où, au final, pour eux, cela ne revient pas si cher que ça. Il y a de très gros tournages avec même un film, entièrement financé par les Russes, dont toute l’action se déroule et va se tourner à Paris (Kromov, réalisateur Andreï Razenkov, production Konstanta film). Les Russes ont besoin ici d’un partenaire pour les autorisations de tournage, des réservations de voitures, des hôtels, etc. Mais c’est entièrement financé par eux.

Donc, ce type de collaboration se développe. En plus, nous avons toutes les infrastructures qu’il n’y a pas en Russie, avec ce que l’on appelle la Commission nationale du Film où on accueille les tournages français et étrangers, avec des commissions au niveau régional, départemental, voire municipal – certaines allant même jusqu’à investir des fonds dans des films tournés sur leurs territoires. Aujourd’hui, on est très équipé en France pour l’accueil des tournages. La Commission nationale donne toutes les clefs possibles et imaginables, des listes de location de matériel de cinéma, de producteurs exécutifs, de directeurs de production qui parlent russe…

Il y a un frein qui existe : c’est le manque d’information. Est-ce qu’en France on pourrait avoir un interlocuteur unique pour tous les genres de questions liées à la possible production d’un film russe ou une manifestation russe, organisée en France ?

L’information aujourd’hui existe, elle est à disposition. Les Commissions du Film ont toutes un site Internet bilingue, français-anglais. La plupart du temps, les Russes continuent de procéder par copinage : « Je connais quelqu’un, il va bien pouvoir m’aider ! » Vous imaginez bien que l’on s’adresse à moi souvent avec ce genre de demandes et que je connais des gens très bien en France susceptibles d’aider les productions russes, mais il me paraît capital de passer d’abord par la Commission du film qui, en marge de ses immenses capacités techniques, garantit l’objectivité des conseils qu’elle fournit. La Commission du Film, c’est comme Unifrance : elle est financée par le compte de soutien du Centre national du cinéma. C’est donc une adresse officielle, comme le Goskino en Russie. Les collaborateurs qui y travaillent sont payés, indirectement, par l’État pour rendre service, accueillir et visent à développer des tournages en France. Ils ont aujourd’hui sur Internet un moteur de recherche français– anglais étonnant qui vous permet, par exemple, de trouver une église du xviiie siècle en France qui donne sur la mer !

Pour terminer avec le thème de la collaboration entre les Russes et les Français, pourriez-vous nous dire quelques mots de la master class de Régis Wargnier organisée récemment au VGIK ?

 

C'est un programme qui a été développé avec le ministère des Affaires étrangères français et Unifrance qui s’appelle On set with French cinema et qui, au départ, pendant trois ans, ne fonctionnait que sur les universités américaines. Des metteurs en scène français de renom – parlant anglais – ont fait le voyage des États-Unis pour aller à Los Angeles, New York donner des cours, des master classes ; cela se fait beaucoup dans les universités. Ce programme a été mis en place, notamment, parce que le cinéma français aux États-Unis n’est pas très florissant et on s’est dit qu’emmener des metteurs en scène de renom - Patrice Leconte, Régis Wargnier, Agnès Varda, Luc Besson, Jean-Pierre Jeunet… - pourrait développer une certaine image du cinéma français auprès du public américain. Et il y a un an et demi, avec le ministère des Affaires étrangères, on a décidé d’ouvrir ce programme à d’autres pays. Nous nous sommes mis en contact avec le VGIK à Moscou, avec l’école de Lodz en Pologne, la FAMU à Prague, et aussi l’école de cinéma (HFF) de Munich, etc. Le principe de l’organisation est le suivant : on montre aux étudiants un, deux ou trois films de la personne en question avant qu’elle n’arrive de manière à ce qu’il puisse y avoir des débats avec les étudiants à la fois sur la direction d’acteurs, la mise en scène, mais que les films sur lesquels va intervenir la personne soient frais dans l’esprit des étudiants. Après chaque « professeur » a la possibilité de choisir le thème qu’il veut.

La master-class de Régis Wargnier (la première qu’on ait faite au VGIK) s’est déroulée en octobre dernier et a eu beaucoup de succès auprès des étudiants. On a donc réitéré, à la demande du VGIK, l’opération en mars avec Claude Lelouch. Cela s’est très bien passé aussi. On va en refaire une avec Cédric Klapisch. Son dernier film Paris doit sortir en Russie en fin d’année chez Central Partnership et nous vérifions les disponibilités de Klapisch pour coupler son intervention au VGIK et la sortie du film, car cela permettrait aussi en parallèle de faire des interviews, d’organiser une avant-première, d’englober sa visite dans un schéma plus global et plus grand public afin de pas se limiter à l’enceinte de l’école de cinéma.

Évidemment, avec Régis Wargnier à Moscou, cela a beaucoup tourné autour du film Est-Ouest, qui est un film très particulier, mais Lelouch n’a jamais tourné en Russie sauf son tout premier court-métrage qu’il a tourné en caméra cachée, dans le mausolée de Lénine. Pour Lelouch, on a remontré Un homme et une femme et donc il est revenu sur des scènes particulières. Cela s’est très bien passé.

Cela se passe au VGIK, et pas aux Cours supérieurs des réalisateurs et scénaristes ?

Pas pour l’instant. Je dois voir avec eux s’il y a une possibilité. Je ne sais pas encore.

Est-ce que parmi les films que vous avez recommandés pour Cannes vous avez des déceptions, des films qui n’ont pas été retenus ?

Cette année j’ai battu tous les records : j’ai vu 53 longs-métrages ! Si on tire de grandes conclusions, il y a un nombre disproportionné de premiers films. À Cannes, les différents comités de sélection ont retenu 3 premiers films dans trois sections différentes et au final je suis très content de la sélection cannoise. D’abord, c’est rarissime qu’une cinématographie soit représentée dans un très grand festival international par 3 premiers films. Néanmoins, cette sélection s’explique, car, pour moi, c’est très représentatif de ce que j’ai vu cette année : à part le film de Kirill Serebrennikov (Diva / Yurev den), les choses les plus intéressantes que j’ai vues sont des premiers films. Donc cette sélection cannoise est très exactement le reflet de ce que j’ai vu cette année, c'est-à-dire pas de grands films de grands metteurs en scène, mais, en revanche, de gens très prometteurs et une vraie originalité. Le film de Valeria Gaï Guermanika est, dans son genre, pas très éloigné de la Palme d’or roumaine de l’année dernière : tout se passe autour de trois gamines d’une classe de seconde qui découvrent la drogue, le sexe, les garçons, l’école buissonnière. C’est très fort, assez violent, et les jeunes actrices qui interprètent les trois rôles principaux sont absolument parfaites. À l’inverse, Shultes est très lent, peu bavard. Avec Tulpan (dont le budget est partiellement russe), ces trois premiers films représentent trois tendances différentes. L’un est fait caméra à l’épaule, vif, rapide, voire haletant ; le deuxième, bien que filmé aussi caméra à l’épaule, est plus calme, plus lent ; et le troisième est plus proche du documentaire. Donc, au final, c’est une sélection très intéressante.

Quand on voit 53 films d’affilée, il y a des choses qui se dégagent. Par exemple, j’ai vu plus de films sur la Deuxième Guerre mondiale que sur la Tchétchénie, ce qui est très intéressant. Je n’ai jamais vu autant de films sur la Deuxième Guerre mondiale depuis plus de quinze ans que je vois la presque totalité des films russes…

Est-ce parce que la Tchétchénie est encore un tabou, qu’il y a une autocensure, qu’ils n’osent pas en parler ?

Non, je pense qu’ils sont passés à autre chose. Je ne suis même pas sûr qu’il y ait de l’autocensure. De toute façon, pour les Russes – les cinéastes comme les non-cinéastes -, c’est une guerre sans être une guerre : ils n’ont pas l’impression qu’il se passe quelque chose là-bas.

La réponse officielle est qu’il n’y a plus de guerre.

Oui, même dans les journaux russes on en parle de moins en moins. Je suis sûr que ce n’est pas de la censure. Quant à l’autocensure, peut-être, mais je n’ai même pas cette impression. En revanche, la renaissance de la Seconde Guerre mondiale dans le cinéma russe est peut-être due à un regain de patriotisme et d’exaltation de la nation russe. Je n’ai, en tout cas, vu aucun film convaincant traitant de cette période.

Quels sont les grands films attendus dans un avenir proche ?

L’année prochaine va être une année compliquée pour les sélectionneurs, car de grands metteurs en scène vont avoir fini leurs films : Guerman, Sokourov, peut-être Mikhalkov, Kira Mouratova (qui sera prête sans doute avant 2009), Lounguine, Fedor Bondartchouk, peut-être Panfilov… Mais comme le dit joliment le titre de la pièce de Jean-Marie Besset : il y a « ce qui arrive et ce qu’on attend ». Disons donc que cette année on n’attendait rien ni personne, mais qu’on a eu de belles surprises qui sont arrivées. L’an prochain, il est clair qu’on sera en attente !

Assistez-vous à des changements dans l’industrie cinématographique russe ?

Oui. Un point semble très intéressant et j’en ai beaucoup discuté avec les exploitants russes : comme vous le savez, le segment de fréquentation des cinémas en Russie est essentiellement constitué des 15–25 ans. Ce sont eux qui, beaucoup plus qu’en France, font la quasi-totalité des entrées. Or on est aujourd’hui en 2008 et la chute catastrophique de la natalité, amorcée dans les années 1980, s’est accélérée au début des années 1990. Donc, aujourd’hui, les gens qui ne sont pas nés à cette période auraient de 15 à 18 ans. Les exploitants commencent donc à voir les spectateurs qui étaient leur cœur de cible se raréfier. Cela veut dire que dans un avenir relativement proche il est tout à fait possible que le paysage du cinéma russe commercial change en Russie, parce que les films qui généraient le plus d’entrées, s’il n’y a plus de gens pour les voir, vont peut-être être remplacés par d’autres films. Les exploitants vont tenter d’élargir la palette des films proposés pour essayer de récupérer des spectateurs de plus de 25 ans. C’est aussi peut-être le début d’un processus très intéressant à suivre parce que, si la typologie par tranche d’âge des spectateurs change, le contenu des films nationaux réalisés pour satisfaire la tranche traditionnelle va changer également. Certes, il y a tout un ensemble de films qui se font sans penser à une tranche d’âge précise, mais les « blockbusters » russes qui, jusqu’à présent, étaient ostensiblement orientés vers les 15-25 ans vont sans doute changer.

De plus, le prix du billet augmente avec la hausse des prix générale et il sera peut-être difficile pour le jeune public d’aller au cinéma ?

 

Oui, mais le public qui va au cinéma déjà est un public qui a quand même des moyens, la jeunesse qui allait dans les multiplexes est censée pouvoir continuer à y aller. Le problème des exploitants n’est pas tant d’un point de vue financier que du point de vue de la fréquentation. Il y a quand même des gens qui existent dans la tranche des 15–25 ans, mais en tout cas il y en a moins et cela va devenir plus compliqué.

Le box-office général du pays a augmenté de 37 % entre 2006 et 2007, alors que le nombre de spectateurs n’a augmenté que de 17 % à cause de la hausse du prix des billets. Alors qu’on a aujourd’hui dépassé les 100 millions de spectateurs (pour 140 millions d’habitants – ce qui en fait une des fréquentations les plus basses d’Europe), on est à 417 millions de dollars de box-office en 2007. Le fait qu’il y ait une telle augmentation du prix du billet est surtout dû au fait qu’il y a de plus en plus de très bonnes salles qui ouvrent. Et quand une bonne salle ouvre, le prix du billet normal est entre 3,5 et 4 euros en moyenne. Et donc c’est cette salle-là qui va venir augmenter le box-office moyen de l’année.

Toute la fréquentation est en train de changer puisque Moscou et Saint-Pétersbourg représentent de moins en moins de pourcentage de fréquentation et la province de plus en plus. Et des villes, dont on n’a jamais entendu parler, ont aujourd’hui des multiplexes ! J’étais à Krasnoïarsk la semaine dernière : ils ont actuellement 10 écrans, à la fin d’année ils en auront 30 ! Vous imaginez ce que c’est pour une ville d’un million d’habitants de passer de 10 à 30 écrans (parce qu’ils ont deux multiplexes qui ouvrent) en quelques mois ! Ces ouvertures de nouvelles salles, souvent en périphérie dans des galeries commerciales, changent considérablement la fréquentation cinématographique, les lieux de passage des gens... À la fin de l’année, je vais faire à Krasnoïarsk un festival de cinéma français, au centre ville, avec un exploitant qui était l’exploitant du grand cinéma de la ville… et qui aujourd’hui commence à se poser des questions sur l’avenir de sa salle : qui va venir chez lui au centre ville sachant que les galeries commerciales comme en France ont un parking, que les enfants, pendant que les parents font les courses, vont au cinéma, etc. ?

Mais est-ce que ça va vers encore un plus gros pourcentage de films commerciaux dans les salles ou plutôt vers l’apparition de salles de centre ville spécialisées sur un type de cinéma, cinéma d’art et essai, par exemple ?

On va voir. Je pense qu’il y aura les deux. Aujourd’hui dans pas mal de villes, il y a des salles qui commencent à passer des films qui ne sont pas des films ostensiblement commerciaux. Arriver à passer des films d’auteur en province aujourd’hui c’est possible, ce qui n’était quasiment pas le cas il y a trois ans. Que ce soit des films d’auteur français, américains ou russes. Vous arrivez à trouver aujourd’hui des salles où on vous prend ces films dans peut-être au moins une vingtaine de villes en Russie. Et je pense qu’il va y en avoir de plus en plus parce que forcément on est obligé d’avoir une alternative au cinéma commercial sachant qu’en Russie, à la différence de la France, l’ouverture de nouvelles salles et la programmation des salles ne sont absolument pas encadrées réglementairement. Il n’y a pas de médiateurs et, si un multiplexe décide de mettre Ironie du sort-2 dans dix salles, il met ce film dans dix salles. En France, c’est interdit. Il y a un nombre de salles au-delà duquel vous n’avez pas droit, sinon vous faussez la concurrence par rapport à la salle d’à côté. Il y a tout un encadrement cinématographique en France qu’évidemment les Russes n’ont pas, mais il y a beaucoup de gens chez les exploitants qui sont en train de se poser des questions. Tout est en train de changer.

Ce qui a fait le succès commercial du cinéma russe au cours des dernières années, ce sont les blockbusters et cela grâce à un public très jeune. Or on constate que les films qui ont eu le plus de succès au cours des six derniers mois sont des comédies, en particulier L’Ironie du sort-2, Amour carotte, Le Meilleur Film, et ces films ne visent pas particulièrement un public jeune. Est-ce qu’on n’est pas en train de voir la comédie, en tant que genre, revenir au premier plan ? Est-ce que cela n’est pas à mettre en parallèle avec le changement de public dont vous venez de parler ?

Si, je pense que tout ça est absolument vrai. D’une manière générale, la comédie est quand même le genre le plus prisé des spectateurs dans le monde. Ce sont souvent les comédies qui en France ont le plus grand succès et c’est un peu pareil partout. La vraie différence aujourd’hui, c’est que d’un côté la comédie russe qui a toujours eu de gros succès est en train de revenir au premier plan, alors qu’elle avait sans doute été supplantée, il y a quelques années, par des films d’action, et que justement les films d’action sortent pour un public très serré, alors que les comédies sont censées être pour tous les âges. Cela dépend du type de comédie, mais en tout cas c’est clair que c’est plus vaste. L’Ironie du sort 2 est sans doute pour un public un peu plus âgé et le fait que le film ait marché, c’est aussi dû au fait qu’il y a des gens qui avaient adoré le premier et voulaient voir ce que le deuxième donnait. Mais Timour Bekmambetov a fait un film qui est quand même ostensiblement pour les jeunes, puisque c’est eux qui font l’essentiel des spectateurs aujourd’hui. La comédie va revenir au premier plan, parce que le film d’action pur a un segment de population trop petit. Aujourd’hui les exploitants se disent qu’il faut ouvrir le segment.

Il y a deux ans nous avons beaucoup parlé du rôle la de télévision. Vous aviez expliqué que la télévision a joué un rôle fondamental dans le redémarrage de la production et vous nous disiez à l’époque que, après la production, elle perdait le contrôle au niveau de la distribution en Russie et à l’étranger. Mais vous prévoyiez que d’ici deux ans les choses allaient changer. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Les changements n’ont pas été aussi rapides que je le pensais. Les gros blockbusters produits par les chaînes de télévision russes sont globalement sous leur contrôle dans la distribution, même si elles ne les distribuent pas elles-mêmes. Quand la Première Chaîne produit un film, c’est Gemini qui le sort, mais Gemini ne fait pas ce qu’il veut, c’est sous contrôle de la Première Chaîne. Aujourd’hui c’est clair que les chaînes de télévision ne veulent pas du tout laisser les distributeurs russes s’organiser tout seuls comme ils le veulent. Cela représente tellement d’argent qu’il est hors de question qu’il en soit ainsi.

Concernant le piratage, est-ce que vous pensez qu’il y a une petite amélioration?

Oui, globalement il y a une petite amélioration : les Américains font la guerre pas forcément aux pirates, mais à l’État russe en disant qu’il faut que ça cesse. Néanmoins les usines qui fabriquent les DVD pirates sont, m’a-t-on dit de source bien informée, dans des zones militaires, sous contrôle de l’État, et donc inaccessibles - y compris pour la police. Il y aurait cinq usines sur le territoire russe qui fabriquent ces DVD, toutes sous contrôle militaire. Donc tout cela est un vaste système de corruption généralisé à très haut niveau. Ce qui est en train de changer, c’est que le piratage aujourd’hui se fait surtout sur Internet. Mais globalement il y a une petite amélioration avec, dans les grandes villes, une surveillance accrue sur les ventes de DVD.

Maintenant les distributeurs commencent à se dire qu’il faudrait ce que l’on appelle en français une « chronologie des médias », c’est à dire qu’en France vous sortez d’abord en salles, puis six mois après en DVD, puis six mois après à Canal +, puis six mois après sur la chaîne payante qui a produit le film, etc. Cette chronologie des médias n’existe pas en Russie, mais Central Partnership, par exemple, est en train de se dire que, pour les gros films, ils ont intérêt à sortir le film en salles et à attendre deux mois avant de lancer le DVD de manière à laisser la carrière du film se faire en salle, comme ça se fait chez nous. Simplement, avant, ils voulaient sortir le DVD en même temps pour contrer le piratage. Et donc là ils font le grand écart entre contrer le piratage ou laisser vivre le film en salles.

Une dernière question qui pour une fois ne concerne pas le cinéma. Vous avez traduit une chanson interprétée par Patricia Kaas et le groupe russe Uma2rmaH…

Oui, il se trouve qu’il y a deux ans j’ai été contacté par les producteurs d’Uma2rmaH qui cherchaient une actrice française pour faire un duo avec Vladimir Kristovski (chanteur du groupe Uma2rmaH) et qui avaient d’abord demandé la traduction d’une chanson (Prostit'sia / Dire adieu) d’un ancien album. J’ai pris beaucoup de plaisir à la traduire, mais finalement cela ne s’est pas fait. Un jour, ils m’ont rappelé en me disant qu’ils avaient trouvé un contact avec Patricia Kaas, via son producteur, et qu’elle était éventuellement intéressée. Ils avaient écrit une chanson pour elle (Ne pozvonish / Tu n’appelles pas). Donc ils m’ont envoyé la chanson, la musique, les paroles, et j’ai fait une traduction intégrale de la chanson. Ce qui est un type de traduction très particulier parce qu’il faut que ça rime, il faut que ça colle à la musique, que ce soit dans un français qui sonne joliment, etc. Cela m’a pris du temps, mais j’ai beaucoup aimé l’exercice. Avant de me mettre à la traduire, je l’ai écoutée douze, quinze, vingt fois d’affilée de manière à en posséder le rythme. Ils l’ont fait écouter à Patricia Kaas, à qui la traduction/adaptation a semble-t-il convenu puisqu’elle n’en a pas modifié un seul mot, puis sont venus l’enregistrer à Paris au mois de novembre. Voilà, c’est une expérience et une collaboration très intéressantes et je sais que la chanson marche bien en Russie. Il y a eu un concert de lancement du disque il y a un mois et demi. Ils ont fait aussi un clip. Le but est évidemment que le groupe Uma2rmaH soit connu à l’étranger, parce qu’en Russie ce n’est plus la peine : c’est fait ! Il s’agit même de l’un des 2-3 groupes qui vend le plus de disques dans le pays ! Ils espèrent que via une collaboration avec une star internationale ils pourront se faire connaître à l’étranger et j’espère, moi, que ce sera possible car ils ont beaucoup de talent.

Dans les mêmes articles on pouvait lire que vous étiez l’interprète personnel de François Mitterrand...

J’aurais adoré cet autre type d’exercice, mais malheureusement c’est faux ! En revanche, à une certaine occasion, j’ai été le traducteur de Danielle Mitterrand et ai également été l’interprète de deux émissions de Frédéric Mitterrand, l’une consacrée à Inna Tchourikova, l’autre à Sergueï Paradjanov. Avoir été l’interprète de Sergueï Paradjanov, d’Alexeï Guerman, de Nikita Mikhalkov, de Gleb Panfilov et de tous les grands artistes russes de cinéma est une satisfaction personnelle qui a tué dans l’œuf toute frustration potentielle de ne pas l’avoir été dans le milieu politique, alors même que c’est dans cette optique que j’avais fait mes études d’interprète. Le métier acquis m’a fait faire les plus belles rencontres qui soient.


Annexe

Liste de films 2007 – 2008  sur lesquels M. Joël Chapron a voulu attirer notre attention, en plus des 3 films sélectionnés au Festival de Cannes :