D'après les oeuvres de l'écrivain polonais Wacław Sieroszewski.
Fin du XIXe siècle dans la province de Yakoutsk. Le pauvre Khabjiï et sa femme Keremes, après avoir enterré un deuxième enfant, continuent de survivre dans la taïga yakoute et se préparent à un dur hiver et à avoir faim. Un jour le prince russe de la région leur impose de loger le bagnard Kostia qui par la loi doit vivre avec eux dans leur maison. Dès le début ils n'arrivent pas à trouver un langage commun et le bagnard décide rapidement de devenir le nouveau maître de maison.
L'action du film Nuuccha (qui signifie "russe" en iakoute) se déroule à la fin du 19ème siècle. Le sujet du film s'inspire des écrits de l'écrivain polonais Vaclav Serochevski qui fit connaissance des traditions et de la culture iakoute pendant ses années d'exil en Sibérie. Vladimir Munkuev, dont c'est le premier film, réalise ici un drame évocateur, exemple remarquable du cinéma iakoute trop méconnu, et contribue de manière significative au débat sur les conséquences de la colonisation et de l'assimilation forcée durant la Russie tsariste.
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Dans l’Extrême-Orient russe, la Yakoutie (ou république de
Sakha) est un territoire immense et très peu peuplé, sinon par
des esprits qui parfois parlent aux chamanes. Peu de gens
sans doute savent qu’en yakoute, «noutcha» est le mot qui
désigne les Russes.
Ce film de Vladimir Mounkouiev, son second long métrage,
est encore une illustration de l’étonnante floraison récente
d’œuvres ancrées dans ce pays, sa nature, ses traditions (nous
avions par exemple montré en 2021 L’Épouvantail de Dmitri
Davydov). Fondé sur une nouvelle de l’écrivain polonais Waclaw
Sieroszewski qui fut déporté en Sibérie en 1880, il montre avec
une éloquente économie de dialogues la confrontation de plus
en plus tendue, jusqu’à l’explosion finale, entre un couple, Keremes et Khabjii accablés par la dureté de leur sort, et un exilé
politique russe (Kostia, Noutcha) qu’on leur impose d’accueillir.
En arrière-plan, le village et son chef, beaucoup moins noble
et respectable que son titre russe («kniaz» = prince, duc) ne
le suggère.
Plusieurs fois récompensé dans des festivals internationaux,
le film d’abord autorisé n’a pas pu sortir dans les salles russes.
Pose-t-il comme certains l’ont dit un regard trop provocateur
et russophobe sur la question du colonialisme ? Jacques Duvernet