Leonid OSSYKA
Леонид ОСЫКА
Leonid OSYKA
URSS, 1971, 96mn 
Couleur, fiction
Zakhar Berkout
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Захар Беркут

 

 Zakhar Berkut

 Zakhar Berkut

 
Réalisation : Leonid OSSYKA (Леонид ОСЫКА)
Scénario : Dmitro PAVLYTCHKO (Дмитро ПАВЛЫЧКО)
D'après une nouvelle de Ivan Franko
 
Interprétation
Borislav BRONDOUKOV (Борислав БРОНДУКОВ) ...Bourounda
Ivan GAVRILIOUK (Иван ГАВРИЛЮК) ...Maksim Berkout
Antonina LEFTI (Антонина ЛЕФТИЙ) ...Miroslava
Ivan MIKOLAITCHOUK (Иван МИКОЛАЙЧУК) ...Lioubomir
Vassili SIMITCH (Василий СИМИЧ) ...Zahrar Berkout
Konstantin STEPANKOV (Константин СТЕПАНКОВ) ...Tougar Vovk
 
Images : Valeri KVAS (Валерий КВАС)
Décors : Mikhaïl RAKOVSKI (Михаил РАКОВСКИЙ), Gueorgui YAKOUTOVITCH (Георгий ЯКУТОВИЧ)
Musique : Vladimir GOUBA (Владимир ГУБА)
Ingénieur du son : Anatoli TCHERNOOTCHENKO (Анатолий ЧЕРНООЧЕНКО)
Production : Studio Dojenko
Date de sortie en Russie : 03/04/1972
 

Prix et récompenses :
Best Film, USSR Film Festival, 1972

Synopsis
Le film raconte la lutte des montagnards des Carpates, dirigés par Zakhar Berkout, contre l'invasion tartaro-mongole au milieu du treizième siècle.
 

Commentaires et bibliographie
 
Manifestement influencé par le cinéma de Kaneto Shindo et d’Akira Kurosawa, Léonide Ossyka livre une superproduction, équivalente des films de la même époque, Le Dit de Roustam du Tadjik B. Kimjagarov ou Gerkus Mantas du Lituanien M. Gedris, des œuvres exhumant des pans d’histoire du Moyen-Âge dominé par la violence.
L’idée du film revient cependant à Hryhoriï Yakoutovytch, décorateur sur les Chevaux de feu de Paradjanov, qui travaillait à l’époque sur une série de gravures, inspirées des chroniques médiévales. Après le pittoresque Zakhar Berkout de Joseph Rona tourné en 1929 aux Studios d’Odessa (film muet non distribué et considéré comme perdu), dans l’histoire du cinéma ukrainien, le film de Léonide Ossyka est le premier à être entièrement consacré à la Rous’ kiévienne. Il met en lumière les derniers îlots de résistance à l’expansionnisme féodal des princes kiéviens et galiciens et à la propagation du christianisme dans les vallées les plus reculées des Carpathes, où vivent en totale autarcie des microsociétés patriarcales. Pour garder les marches du royaume, les princes attribuent des terres inexplorées aux nobliaux. La tribu de la vallée de Toukhla est celle qui résiste le plus longtemps au prince Daniel, préoccupé, après le saccage de Kiev et de Terebovla, par l’invasion imminente des Mongols que souhaitent certains boyards.
Le film fut tourné in situ, d’abord dans les Carpathes, avec les habitants de Toukhla, Skole, Klymets, descendants des montagnards qui arrêtèrent un moment les hordes mongoles. Pour des raisons climatiques et économiques, il le fut aussi en Kirghizie, mais se heurta aux difficultés que représentaient l’altitude à laquelle devaient s’effectuer les prises de vues et l’impossibilité d’acheminer les groupes électrogènes. A défaut de projecteurs, de grands miroirs réfléchissants éclairèrent des scènes grandioses sous un soleil de plomb, méthode empruntée à Perestiani (Les Diablotins rouges).
Pour certains, le film d’Ossyka reste marqué par un manichéisme militant qui, au second degré, peut être perçu comme une mise en garde contre le péril jaune. Cependant, cette ultime création de l’Ecole poétique de Kiev est doublée d’un patriotisme sui generis, à cent lieues d’un sentiment supranational comme l’exige la culture marxiste. Initialement, le film n’est soumis à aucune doctrine délétère ou théorie de la lutte des classes, rappelant que les Carpathes sont les derniers contreforts de l’Europe libre, où depuis la nuit des temps se manifeste une résistance politique, religieuse, économique et culturelle. Cependant, avant que ne s’abatte une chape de plomb sur les dernières résistances artistiques et intellectuelles en Ukraine, et avant que le film d’Ossyka ne soit interdit d’écran dès 1972, Zakhar Berkout a juste le temps de franchir le rideau de fer. Présenté en France aux Journées de Poitiers, en 1973, il restera néanmoins un chef-d’œuvre inconnu à l’étranger.
Ce film a aussi le mérite d’être interprété par les piliers de l’Ecole poétique de Kiev, et notamment par Antonina Leftiï (Myroslava), qui joue son plus beau rôle dans le cinéma ukrainien, Ivan Havrylouk (Maxime), Ivan Mylolaïtchouk (Lubomir), Boryslav Brondoukov (Bouroundaï), Bolot Beïchenaliev (Péta, le superbe chef mongol aux yeux d’argus). Mais la palme de l’interprétation revient à Kostiantyn Stepankov qui, par sa performance dramaturgique shakespearienne ne cède en rien à celle de Symtchytch dans le rôle-titre
C’est dans le plan final qu’est crypté le dernier message de l’Ecole de Kiev et, dans une certaine mesure, de la cinématographie ukrainienne tout entière. Il est le dernier maillon d’une chaîne constitué par un demi-siècle de cinéma dont les fondements furent jetés par Alexandre Dovjenko, l’inspirateur de plusieurs générations de cinéastes ukrainiens et étrangers.
Lubomir Hosejko

Images et vidéos