A la fin des années 20, une usine de dentelles meurt d’ennui. Le secrétaire de la cellule communiste abuse de son autorité, le secrétaire komsomol publie un journal terne, le responsable du club est apathique. Au contraire, la brasserie voisine est en plein essor . Une bande de hooligans se déchaîne, casse les carreaux du club, vole les dentelles. C’est alors que Maroussia, la jeune komsomole, intervient. Elle persuade l’un des hooligans, Petka Vesnoukhine, de l’aider à secouer l’inertie des travailleurs. Les deux jeunes gens affichent un journal mural acerbe qui suscite une grande agitation. Les komsomols réclament une nouvelle direction, la brasserie est remplacée par un tir. Maroussia et Petka rendent son ardeur à la jeunesse de l’usine.
"Avec cette nouvelle production, c’est une nouvelle époque qui s’ouvre dans la vie de notre cinéma. Nous avons déjà une littérature prolétarienne, parler d’un cinéma prolétarien est encore prématuré, mais bien sûr, dans un temps très proche, nous serons les témoins de ses premiers pas. Cette ébauche d’attraction vers les thèmes ouvriers est, en ce sens, très caractéristique. Un nouveau matériau entre dans l’art. La nécessité de mettre ce matériau au centre de l’attention est nettement reconnue. (…)
Dans cette perspective, le film de Youtkevitch présente un intérêt considérable.
Au niveau du métier, il cède à Room et à Ermler. Dentelles, par de nombreux côtés, est un récit cinématographique brut, raconté avec des erreurs. Dans son travail avec les acteurs, dans l’invention, le déroulement de l’action, Youkevitch n’atteint pas le niveau de ses prédécesseurs. Mais il est allé plus loin dans l’ouverture de son thème. Il a rejeté le schéma traditionnel de l’amour mélodramatique qui rapproche tant les Fondrières du Cordonnier de Paris. Le film s’est non seulement libéré des poncifs importuns, mais il a reçu une direction vraiment réaliste. Le nœud des rapports réciproques est délié avec une simplicité austère et attentive. Le jeune travailleur est typé d’une façon convaincante et précise, les faits de la vie quotidienne racontés avec naturel et franchise.
Il est vrai que le jeune réalisateur ne nous a pas donné tout ce à quoi nous pouvions nous attendre d’un sujet très fécond ; il s’est montré un témoin intéressé, mais observateur impartial, et cela l’a transformé en un documentariste scrupuleux ; de ce fait le film est superficiel et manque de plénitude psychologique. Ce sont là les défauts caractéristiques du film. (…)
Prim, 7 mai 1928. (extrait de Le cinéma russe et soviétique, J-L.Passek, l’Equerre, Centre Georges Pompidou, 1981)