Le pauvre Petro et Pidorka, la très belle fille d'une famille riche s'aiment mais les parents de la jeune fille refusent le mariage. Envoûté par le sorcier Bassavriouk, Petro tue un enfant pour se procurer de l’or et épouser Pédorka. Obsédé par son crime, il devient fou et meurt dans sa maison incendiée. Pédorka part en pèlerinage à Kiev pour expier leur faute commune. Mais en chemin, elle se fait violer par les Tatars.
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Tiré de la nouvelle éponyme de Nicolas Gogol, elle-même truffée de légendes et de contes populaires, La Nuit de la Saint-Jean de Youriї Illienko est un film poétique et fantasmagorique qui s’inscrit dans le courant de l’Ecole poétique de Kiev. Il confirme une personnalité distincte dans le cinéma ukrainien à travers laquelle le cinéma pictural, hérité de Paradjanov, obtient ses lettres de noblesse. Mais, à l’instar de Zvenyhora de Alexandre Dovjenko, cette oeuvre stupéfiante suscite le plus de controverses dans le milieu professionnel et artistique. Elle indigne les uns, ravit et enchante les autres, parce que le réalisateur s’évertue à filmer des œuvres de la littérature classique en chefs-d’œuvre insolites, impulsifs et esthétisants, où la forme prend le pas sur le contenu. Découplée des êtres et des choses, elle oscille entre le monde réel et le monde des masques. Il en sort une fresque convulsive aux images surréalistes et chagalliennes entremêlant lyrisme, humour, satire et féeries. Rendant parfois la compréhension du film difficile avec une métaphore très concentrée – par exemple, Pédorka donnant le sein à une hache – et une composition très plastique de l’image, ce cocktail est d’autant plus étonnant qu’il contraint le spectateur peu averti à devenir actif. En plus de sa fonction émotionnelle, la couleur a dans le film son contenu rationnel et symbolique. L’acteur, dont le jeu est relégué au second plan, est lui aussi une tache de couleur. Il va dans le sens du grand thème gogolien – la beauté est l’opération du diable – livré à une imagination débridée de l’auteur qui use de la variation comme d’un concept catharsistique. Ainsi l’on admet chez Illienko que la comédie simule le réel, le drame romantique travestit l’ironie, et la tragédie philosophique se substitue à la mystification.
Illienko a aussi l’art et la manière de s’attaquer aux tabous historiques qui dépassent largement le cadre éthique et social de la première partie du film. La dérision est poussée à son paroxysme dans la séquence de la mascarade organisée par les sbires de Potemkine pendant le voyage de la Grande Catherine en Ukraine : village en trompe-œil construits à la hâte sur les rives du Dniepr, figurants recrutés pour tenir le rôle de moujiks endimanchés, chants et danses ad libitum. La politique d’oppression y est clairement dénoncée. Dans l’épisode dramatique de l’agression de Pédorka, c’est tout le destin tragique de l’Ukraine, maintes fois envahie et soumise, qui est symbolisé. Pour Illienko, la question fondamentale reste celle de la confrontation entre le Bien et le Mal, thèmes essentiels de l’œuvre de Gogol. Sorti à la même époque queViї (Le Roi des gnomes), autre film tiré d’une nouvelle de Gogol et réalisé en Russie par Kostiantyn Yerchov et Gueorgui Kropatchev, privé de distribution à l’échelle de l’Union et à l’étranger, mais autorisé pour une brève apparition en Ukraine, La Nuit de la Saint-Jean est boudé par la presse, puis interdit jusqu’en 1987. Raison invoquée : abus d’exotisme, Gogol hypertrophié. Ce mépris vis-à-vis d’une œuvre de talent est considéré en Ukraine comme une offense directe à Gogol, auquel la critique reprocha en son temps un manque d’imagination et, selon Biélinski, des symptômes d’irréalisme mystique. Pour leur part, les censeurs y virent une déification de la caméra, des élucubrations visuelles versant dans l’art pour l’art et un biologisme sous-jacent dans le personnage de Pédorka. Plus grave encore, sa condamnation ultérieure pour exaltation de l’identité nationale et déviationnisme nationaliste, et son exclusion du registre des films.