Prix et récompenses : Prix Felix de l'Académie européenne pour la musique, 1988
Prix de la meilleure image, Union des cinéastes de l'URSS, 1988
Synopsis
Un village perdu au fond du désert asiatique . Dima, un jeune médecin a quitté sa ville natale, rompu avec son passé, pour s’installer là. Il vit seul, dans la précarité matérielle : il soigne les bébés et tente d’initier les mères à des principes élémentaires d’hygiène. Mais désabusé, il fait son travail avec une certaine désinvolture : il consacre son temps à écrire, sur une vieille machine, une étude sur les enfants hypertoniques, constamment interrompu par la sonnerie du téléphone…Des personnages passent dans sa vie : un vieil ami son patient, fonctionnaire en retraite, son ami Sacha, déraciné lui aussi, fils adoptif de parents allemands, mais originaire de ce village du désert où il a installé un bel appartement. Il s’étonne de la vocation de Dima qui n’a ni passé ni avenir en cet endroit. La sœur de ce dernier apparaît soudain et disparaît de même. C’est alors qu’a lieu l’éclipse, et que Dima découvre un enfant réfugié devant sa porte, qui lui demande de le recueillir : Dima le lave, le nourrit, l’héberge. L’enfant-prophète disparaît à son tour, à peine apparu, mystérieusement enlevé par un « père » venu le réclamer et à qui il échappe : il s’envole. Le vieux patient se suicide : il parle à Dima à la morgue. Le jeune homme s’enfuit chez Sacha. Après un long entretien dans lequel apparaît un vieux professeur d’histoire, détenteur de la mémoire de ce pays, Sacha décide de partir : douloureuse séparation. Dima reste seul.
Youri Arabov a écrit le scénario du film, inspiré du roman des frères Strougaski Un milliard d’années avant la fin du monde. Cependant il ne s’agit pas d’un film de science-fiction, mais d’une fresque mythique et mystique. Les paysages désertiques et majestueux d’Asie centrale évoquent les origines du monde, et les résidus du progrès industriel en font une immense décharge. Les enfants y mangent des épingles qui ne les tuent pas (est-ce une auto-immunisation contre la pollution moderne ?), la chaleur engendre d’étranges crises de désespoir, mais aussi assure une mystérieuse entente entre les êtres et les reptiles : le médecin ressemble au crocodile avec qui il parle, et vit près d’un python qui s’échappe de sa cage (on pense ici aux attractions d’Eisenstein, dont Sokourov se réclame). Dima d’ailleurs est une sorte de premier homme, d’Adam à l’énergie féline, qui bondit avec la souplesse d’un jeune fauve, mais aussi de dernier survivant d’un monde en ruines : il est parfois prostré à terre comme un vaincu. La métaphore du cercle est récurrente . Sacha, affirme qu’aucune séparation n’est définitive puisque la terre est ronde. Le cadavre de la morgue dit à Dima : « A chacun est dévolu un cercle dont on ne peut sortir : si vous tentez d’en sortir par la raison, quelles forces réveillez-vous contre vous ? » Les splendides images sur-naturelles en couleurs ou monochromes, la lenteur des plans ou le montage heurté créent une atmosphère hallucinatoire . Le travail d’écrivain de Dima, œuvre scientifique qui a pour objet l’enfance, jamais achevée, brûlée par son auteur, et toujours recommencée, est le gage de cette foi sans illusions de l’homme en la vie.