Editeur : Potemkine. 2019. Titre : Quand passent les cigognes (version restaurée).
- Présentation du film (12 min) et biographie de Mikhaïl Kalatozov (11 min) par Françoise Navailh, historienne du cinéma russe
- Analyse de séquence par Eugénie Zvonkine, enseignant-chercheur en cinéma (22 min)
- « Un pur mélodrame » par Françoise Zamour, maître de conférences en études cinématographiques (Ecole normale supérieure) (20 min)
Synopsis
Moscou 1941. Boris et Veronika s’aiment d’un amour juvénile mais profond : ils « se sont réciproquement tourné la tête » comme l’observe avec tendresse le père de Véronika. Mais Boris se porte volontaire pour aller au front. Les parents de la jeune fille meurent dans leur appartement lors d’une attaque aérienne. Elle est recueillie par les parents de Boris qui la considèrent comme leur fille. Sans nouvelles de son fiancé, Véronika finit par céder au désir de Mark, le cousin de Boris, qui lui aussi vit chez les parents de ce dernier : elle l’épouse dans la douleur. Elle suit avec son mari les parents de Boris, médecins dans un hôpital militaire en Sibérie. Son indifférence pour Mark se change en ressentiment, puis en mépris lorsqu’elle apprend qu’il a intrigué pour se faire dispenser. Elle le quitte et garde l’espoir fervent du retour de Boris.
On sait que le film de Mikhail Kalatazov connut un triomphe à Cannes en 1958. Par ailleurs il remporta des prix prestigieux dans de multiples festivals internationaux. Tatiana Samoïlova dans le rôle de Veronika, « l’écureuil », eut une grande part dans son succès. Avec un naturel bouleversant, elle exprime la complexité des sentiments qui la torturent : un amour sans faille pour Boris, amour insouciant et confiant au début, obscurci soudain par la séparation qu’impose la guerre, et devenu tragique par la trahison que constitue son mariage.
Le film fut également salué pour son originalité. Eric Rohmer en souligne la nouveauté du ton, due à la virtuosité du directeur de la photographie, Sergei Ouroussevski, et inspirée du cinéma occidental : « Nous trouvons tout ici, écrit-il : la profondeur du champ et les plafonds d’Orson Welles, les travellings acrobatiques d’Ophuls, le goût viscontien de l’ornement, le style de jeu de l’Actor’s studio ». La scène la plus célèbre, celle de la mort de Boris, représentée par l’interminable vertige de la forêt de bouleaux dans laquelle il est tué d’une balle en plein front, est une prouesse technique, et elle éblouit par son romantisme. La contamination progressive de la sphère privée par la guerre qui saccage l’intimité de chaque être est par ailleurs compensée par la loyauté des principaux protagonistes pour qui la fidélité et le respect de la vie demeurent des valeurs inébranlables. L’héroïsme russe se révèle peut-être dans cette paradoxale union du rêve et du devoir.