L'action se déroule en 1923. La Commision de l'enfance du TSIK (Comité exécutif central des Soviets de l'URSS) sous la direction de l'inspecteur Nikolaï Sergueïev rassemble 1000 enfants errants et leur propose de partir dans un camp de travail. Sergueïev met les enfants et leur chef Mustafa en confiance et les incite à construire une voie ferrée qui reliera leur camp à la ville la plus proche. Malgré les interventions mal intentionnées de Jigan, chef d'une bande de voleurs, qui réussira à entrainer hors du camp quelques enfants, la voie ferrée finit par être construite. Le jour de l'inauguration Jigan tue Mustafa.
« Ce film a immédiatement été reconnu dans le monde entier. D’énormes files d’attente se sont formées aux caisses, les colonnes des journaux en ont fait des comptes rendus élogieux dans différentes langues, et lors du premier festival de Venise en 1932, le réalisateur de ce film, Nicolas Ekk a été considéré comme metteur en scène talentueux, bien que ce réalisateur débutant ait eu des concurrents comme King Vidor, Julien Duvivier, Rouben Mamoulian et John Well, René Clair et Alexandre Dovjenko. On retrouve l’influence de Ekk dans le film Les Oubliés de Luis Bunuel ainsi que dans des films de néo-réalistes italiens.
Malgré cela, ce film est resté une énigme dans le cinéma mondial. Bien que, peut-être, n’y a-t-il pas du tout d’énigme ainsi que l’écrivait de nombreuses années plus tard l’un des compatriotes contemporains de Ekk « c’est simplement un sujet passionnant joué par des acteurs talentueux ». Et toute l’originalité du film repose sur le fait qu’il est le « premier film parlant » dans l’histoire du cinéma russe. Mais il est vrai qu’à partir de ce moment-là des maîtres reconnus du cinéma comme Poudovkin et Ioutkevitch, Kozintsev et Trauberg, Protazanov et Timochenko ont essayé de travailler avec le son. D’ailleurs, il est vrai que Ekk n’a pas été déconcerté par l’arrivée du parlant. Le héros s’est mis à parler et pour la première fois dans ce film, il a été entendu, découvert et reconnu. Le chemin de la vie est unique en lui-même en tant que co-création de l’écran et de la salle. L’histoire mélodramatique (au sens littéral du mot si l’on considère que le mélodrame est un drame musical en lui-même) dans laquelle « se forgent » (terminologie employée à cette époque) d’ex-gamins des rues, archétypes de héros sous l’influence de tchékistes-éducateurs avisés, face à un monde criminel qui s’efforce quoiqu’il en soit de les en empêcher. Ces enfants récemment sans foyers sont aujourd’hui des membres de plein droit de la société. Les tout nouveaux spectateurs (principalement sans billet, après être entrés dans la salle « par effraction ») sont aujourd’hui des artistes. <…>
Le chemin de la vie est un divertissement en lui-même. Un divertissement dans son ensemble, mais aussi dans chaque détail. La hiérarchie des genres dit « élevés » et « de moindre importance » est mélangée : l’artiste populaire KATCHALOV, saluant la salle dans le prologue se calque sur le chœur de la comédie antique, colle aux chansons populaires que chantent le vagabond des rues dans la scène du « chahut » de manière incroyable, rappelant les premiers courts métrages excentriques des maîtres mondialement reconnus, notamment dans les scènes pathétiques des funérailles du héros principal, suggérant ainsi clairement l’analogie avec une scène du « Cuirassé Potemkine ». Mais le principal attrait de ce film, c’est le début du cinéma parlant. De fait, Nicolas Ekk, sorti de la même école qu’Eisenstein, Ioutkevitch, Okhlopov (plus connu à cette époque comme metteur en scène avant-gardiste) – de l’atelier de Meyerhold, redonne au terme eisensteinien de montage des attractions sa prééminence, le fondement sur lequel il apparut et que les maîtres des années 20 n’ont pas cessé de vénérer.
En substance, ce genre en lui-même est dicté par les réactions des spectateurs eux-mêmes, par la salle. C’est elle qui choisit ses héros. Si le sujet est élémentaire, il n’en est pas pour autant primitif. Il est multiforme dans son élaboration pour que le grand nombre des personnages à l’écran et s’imprimant momentanément dans la mémoire, le spectateur puisse choisir celui qui deviendra le véritable héros, le sujet essentiel. Le chemin de la vie est bien sûr une utopie, une enfance mythique, celle de deux mondes aux antipodes l’un de l’autre – celui de la justice et celui de l’injustice.
La justice, dans le monastère, dans un espace ouvert, éclairé par le soleil et par le sourire du sage et tout puissant monseigneur Sergueï.
L’injustice, au fond d’une forêt épaisse, privé de lumière dans le repaire de Malina où règne le rusé et cruel Jigan Mikhaïl Jarova. Le messager d’un monde juste dans son camp est Kolka-Svist. Le messager de l’injustice dans le camp des justes est Vasca-Bouza, la tête coiffée d’une chevelure de clown, raide et rousse.
Telle est la répartition des forces dans le projet cinématographique. Mais lorsque devant une caméra surgit un pâtre arrivé récemment d’un village de « la république des Maris », et au moment de la prise de vue le poète et acteur étudiant du VGIK, Ivan Kirla, le héros, venant du monde sombre du passé pour aller vers un futur brillant est reconnu par les spectateurs comme le héros principal – âme du sujet, évoluant seul à la différence des autres personnages.
Peu à peu l’imperfection surmontée du héros le rapproche du spectateur, promettant à celui-ci un futur héroïque.
La mort de Mustafa, inévitable dans un système où on exige avant tout la perfection -
C’est-à-dire l’arrêt du mouvement à n’importe quel prix (la mort y compris), est perçu par le spectateur comme une tragédie. C’est effectivement ainsi que sera élaboré sur ces principes Tchapaïev. »